La malle.
La malle est l’une des images associées au souvenir de ma grand-mère. Je me revois petite enfant, je ne sais pas encore ce que Ngoai a rangé dans cette malle mais je suis certaine d’une chose, elle y a caché ses économies en prévision des moments difficiles.
La malle est en fer, elle a les dimensions d’une valise moyenne mais, elle est, à dessein plus profonde pour qu’on puisse y ranger plus de choses. Je me souviens de l’odeur de naphtaline qui s’en dégageait à chaque fois que Ba Ngoai l’ouvrait, c’est pour cette raison que je continue encore aujourd’hui à acheter ces petites boules blanches pour en mettre dans mon armoire.
Les souvenirs de notre enfance, même fort lointains,restent gravés en nous.
A l’adolescence, je demande à ma grand-mère de m’acheter une malle, elle est plus petite et moins résistante que la sienne, je n’y cacherai pas d’argent mais des lettres d’amour.
Ma grand-mère aujourd’hui décédée, je me demande où est cette malle dont l’image reste bien présente dans mes souvenirs. Je revois Ba Ngoai ouvrir la malle surtout quand elle était toute seule, mais même si j’étais à ses côtés, il lui arrivait de l’ouvrir, peut-être ne faisais-je pas partie de la liste de ceux dont elle se méfiait. Il y avait des après-midi calmes, Ba Ngoai ne se reposait pas, elle en profitait pour tirer la malle cachée sous la table carrée. A l’origine, cette table appartenait à ma tante. Quand elle suivit son mari en France, elle laissa cette table à Grand-Mère.Une nappe verte en nylon la recouvre, par curiosité, je la soulève et découvre qu’un velours de même couleur protège la table, à chaque angle, il y a unporte-verre. Je me rappelle vaguement avoir vu cette table chez ma tante, rue Phan Đình Phùng. Chaque Week end, elle et son mari, un Français, jouaient aux cartes avec leurs amis, un verre de vin posé à chaque coin de la table.
Quand grand-mère ouvrait la malle, je découvrais un tas de vêtements tout neufs, bien rangés. C’étaient des tuniques que ma tante avait fait coudre dans un très beau tissu pour Ba Ngoai, elle les portait pour aller à l’église ou chaque fois qu’elle se rendait chez ses frères, Ông Tư (Grand Oncle, Tư : 4ème frère de Grand-mère), l’ingénieur des travaux publics, ÔngNăm qui était maire, Ông Sáu chef de chantier à ChợLớn. Grand-Mère était toujours bien habillée, coiffée d’un beau chignon qui laissait échapper quelques mèches bouclées. Elle portait des bracelets en or et des bagues, sa seule coquetterie. A la différence desgrand-tantes, Bà Cô Năm (Grand-Tante, (ème enfant de la famille), Bà Cô Sáu, elle ne se maquillait pas.Ba Ngoai revêtait toujours de très belles tuniques bien repassées. Elle ne mettait ni poudre ni rouge à lèvres mais elle était d’une élégance naturelle qui imposait le respect.
A côté des tas de vêtements, il y avait toujours dans la malle, des flacons d’eau de Cologne envoyés de France, il y avait encore bien d’autres choses rangées dans un ordre tel que Ngoai aurait tout de suite su si quelqu’un s’était avisé de fouiller dans ses affaires.
Mariée, je me confiais à ma grand-mère et à chaque fois que j’avais des difficultés financières, je lui en touchais quelques mots, elle m’écoutait sans rien dire ; sans que j’aie besoin d’expliquer ou de pleurer, elle se dirigeait vers la malle, s’asseyait, la tirait doucement, soulevait le tas de vêtements pour accéder à l’argent caché, économisé sou par sou, pour faire face aux besoins et elle me disait souvent de penser au lendemain, de me serrer la ceinture. Elle me donnait l’argent en me disant : « c’est le pécule au cas où je serais malade, mais si tu en as vraiment besoin pour ta famille, pourquoi garderais-je cetargent ? Prends-le pour résoudre tes difficultés. Et le jour où tu auras de nouveau de l’argent, tu me rembourseras. Si tu ne le peux pas, considère que je t’aurai donné cette somme. Mais il faut que tu te souviennes d’une chose : si tu as sur la table, une quantité de riz et des plats salés, sers-toi avec parcimonie afin d’en laisser aux autres : « Il fautapprendre à tenir les cordons de la bourse ».
Grand-mère était un modèle de sacrifice et de générosité, elle me donnait toujours de sages conseils.
L’image de cette malle me revient souvent et je me demande si quelqu’un la détient encore aujourd’hui.Je ne sais pas si ce sont les conseils de grand-mère qui l’expliquent mais j’aime acheter des tirelires dans lesquelles je mets des économies. Ai-je remboursé à Ba Ngoai la somme prêtée ? Je ne le sais plus, mais son éducation, la malle et l’odeur de naphtaline sont toujours très vivaces.
Ecrit
par Diễm Đào
Co-Traductrices :
Fanny Celsiana et Diễm Đào
La malle est l’une des images associées au souvenir de ma grand-mère. Je me revois petite enfant, je ne sais pas encore ce que Ngoai a rangé dans cette malle mais je suis certaine d’une chose, elle y a caché ses économies en prévision des moments difficiles.
La malle est en fer, elle a les dimensions d’une valise moyenne mais, elle est, à dessein plus profonde pour qu’on puisse y ranger plus de choses. Je me souviens de l’odeur de naphtaline qui s’en dégageait à chaque fois que Ba Ngoai l’ouvrait, c’est pour cette raison que je continue encore aujourd’hui à acheter ces petites boules blanches pour en mettre dans mon armoire.
Les souvenirs de notre enfance, même fort lointains,restent gravés en nous.
A l’adolescence, je demande à ma grand-mère de m’acheter une malle, elle est plus petite et moins résistante que la sienne, je n’y cacherai pas d’argent mais des lettres d’amour.
Ma grand-mère aujourd’hui décédée, je me demande où est cette malle dont l’image reste bien présente dans mes souvenirs. Je revois Ba Ngoai ouvrir la malle surtout quand elle était toute seule, mais même si j’étais à ses côtés, il lui arrivait de l’ouvrir, peut-être ne faisais-je pas partie de la liste de ceux dont elle se méfiait. Il y avait des après-midi calmes, Ba Ngoai ne se reposait pas, elle en profitait pour tirer la malle cachée sous la table carrée. A l’origine, cette table appartenait à ma tante. Quand elle suivit son mari en France, elle laissa cette table à Grand-Mère.Une nappe verte en nylon la recouvre, par curiosité, je la soulève et découvre qu’un velours de même couleur protège la table, à chaque angle, il y a unporte-verre. Je me rappelle vaguement avoir vu cette table chez ma tante, rue Phan Đình Phùng. Chaque Week end, elle et son mari, un Français, jouaient aux cartes avec leurs amis, un verre de vin posé à chaque coin de la table.
Quand grand-mère ouvrait la malle, je découvrais un tas de vêtements tout neufs, bien rangés. C’étaient des tuniques que ma tante avait fait coudre dans un très beau tissu pour Ba Ngoai, elle les portait pour aller à l’église ou chaque fois qu’elle se rendait chez ses frères, Ông Tư (Grand Oncle, Tư : 4ème frère de Grand-mère), l’ingénieur des travaux publics, ÔngNăm qui était maire, Ông Sáu chef de chantier à ChợLớn. Grand-Mère était toujours bien habillée, coiffée d’un beau chignon qui laissait échapper quelques mèches bouclées. Elle portait des bracelets en or et des bagues, sa seule coquetterie. A la différence desgrand-tantes, Bà Cô Năm (Grand-Tante, (ème enfant de la famille), Bà Cô Sáu, elle ne se maquillait pas.Ba Ngoai revêtait toujours de très belles tuniques bien repassées. Elle ne mettait ni poudre ni rouge à lèvres mais elle était d’une élégance naturelle qui imposait le respect.
A côté des tas de vêtements, il y avait toujours dans la malle, des flacons d’eau de Cologne envoyés de France, il y avait encore bien d’autres choses rangées dans un ordre tel que Ngoai aurait tout de suite su si quelqu’un s’était avisé de fouiller dans ses affaires.
Mariée, je me confiais à ma grand-mère et à chaque fois que j’avais des difficultés financières, je lui en touchais quelques mots, elle m’écoutait sans rien dire ; sans que j’aie besoin d’expliquer ou de pleurer, elle se dirigeait vers la malle, s’asseyait, la tirait doucement, soulevait le tas de vêtements pour accéder à l’argent caché, économisé sou par sou, pour faire face aux besoins et elle me disait souvent de penser au lendemain, de me serrer la ceinture. Elle me donnait l’argent en me disant : « c’est le pécule au cas où je serais malade, mais si tu en as vraiment besoin pour ta famille, pourquoi garderais-je cetargent ? Prends-le pour résoudre tes difficultés. Et le jour où tu auras de nouveau de l’argent, tu me rembourseras. Si tu ne le peux pas, considère que je t’aurai donné cette somme. Mais il faut que tu te souviennes d’une chose : si tu as sur la table, une quantité de riz et des plats salés, sers-toi avec parcimonie afin d’en laisser aux autres : « Il fautapprendre à tenir les cordons de la bourse ».
Grand-mère était un modèle de sacrifice et de générosité, elle me donnait toujours de sages conseils.
L’image de cette malle me revient souvent et je me demande si quelqu’un la détient encore aujourd’hui.Je ne sais pas si ce sont les conseils de grand-mère qui l’expliquent mais j’aime acheter des tirelires dans lesquelles je mets des économies. Ai-je remboursé à Ba Ngoai la somme prêtée ? Je ne le sais plus, mais son éducation, la malle et l’odeur de naphtaline sont toujours très vivaces.
Ecrit
par Diễm Đào
Co-Traductrices :
Fanny Celsiana et Diễm Đào