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DIEMDAO
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Les petits enfants de la Fée et du Dragon

Comme beaucoup de Viêtnamiens et de Viêtnamiennes, je considère que j’ai une fée comme arrière arrière arrière….grand-mère
Une fée du Nord, elle s’appelle Au Co, certainement belle et bonne comme toutes les fées, épouse d’un roi, le descendant des rois des mers du Sud.
Longtemps je l'imagine vaillante, sur son cheval blanc, avec un turban flottant au vent, une jupe colorée aux mille plis, et une belle ceinture d'or.
Mon supposé arrière-arrière... grand-père, un homme large comme Tarzan, au cœur pur et aux regard doux, dominant les mers et les montagnes. Il se nomme Lac Long Quân

​Dans notre enfance, on nous a tant de fois raconté qu'un roi dragon des mers du Sud a vaincu les monstres marins, le renard à neuf queues de la terre et l’arbre maléfique, et a ramené la paix aux peuplades qui occupaient ces régions.
Un beau jour, il rencontre une belle jeune fille suivie de sa cour, et apprend qu'elle est Au Co, une princesse venant du Nord. Ils s’aiment, se marient, sont heureux, mais ils n'ont pas eu d'enfants . Au bout d’un an, la fée met au monde un sac, contenant cent oeufs.

Et ces cent oeufs ont fini par éclore : en naissent cent garçons, beaux et vaillants comme leurs parents.
Lac Long Quan, le père, les élève dans la pure tradition des pêcheurs, et Au Co, la mère, les initie au défrichage, à la culture, à la construction des digues, puisqu'elle est une princesse et fée des montagnes. Eux deux ont jeté les bases d'une civilisation, organisée en clans, montrent à leurs enfants les rudiments de construction au début pour se protéger des animaux féroces des forêts.


Et puis l'appel des origines s'est fait sentir quand les garçons commencent à prendre leur autonomie. Le roi dragon dit à sa femme : "je ramène les cinquante enfants vers la mer, et leurs cinquante frères te suivront dans les nuages des montagnes." Ce qui est fait.
Dans les plaines et près de la mer, les cinquante fils du rois'y installent et font vivre une partie du premier peuple vietnamien. Tandis que dans les hauteurs, des clans des cinquante autres frères trouvent leur subsistance dans les richesses des arbres et ruisseaux : les transformant au fur et a mesure en champs fertiles, ils domptent des grands animaux, et domestiquent d'autres.

​Ainsi est née la patrie vietnamienne, trente siècles avant l’ère chrétienne.

Mon peuple pourtant pas si grand est formé d'une grande mosaïque colorée de multiples groupes ethniques, 54 aujourd'hui dénombrés, avec six groupes linguistiques, et de multiples accents régionaux sur une seule langue parlée. Certes le groupe dominant, les Kinh, a imposé la langue officielle, mais il suffit d'aller voir les autres groupes ethniques dans les premières vallées à deux heures des grandes villes, pour entendre des sons et des tonalités qui portent l'empreinte de la forêt et des ruisseaux, des musiques de la pierre et du bambou ou le son solennel du gong.


Et je crois qu’on est l’un des rares peuples dont les citoyens se nomment, textuellement, « issus d’un même sac » (Dông bào). Ce sceau invisible se lit sur notre front, pour qu’un vietnamien reconnait son pair entre autres asiatiques partout, en particulier durant ces dernières décennies d’exode dans différents continents.
Le souvenir de ce mythe est ravivé, quand on mange le Banh Chung au Têt, dont la recette remonte à cette époque bien avant Jésus Christ.

La fée Au Co m'a impressionnée depuis l'enfance. Loin de moi la fée des peintures chinoises qui ornent les murs, grands chignons sophistiqués, yeux en amande et joues rosies par décence, volant dans les airs, mains au doigts effilés ou jouant de la musique sur sa vièle. Au Co, mon aïeule, doit être une fille comme nous, les pieds sur terre, la tête haute, le regard courageux, et affairée avec ses cent enfants. Bien sûr, il faut les nourrir, toutes ces bouches, il faut sortir de sa hutte pour leur apprendre à travailler la terre et la faire fructifier, et leur apprendre ce qu'est l'harmonie dans ce grand groupe qui est la famille du chef.
Et quand les garçons se sont séparés pour suivre un des parents, elle a à recommencer encore une fois toute l'organisation dans les nouvelles terres des forêts et montagnes, peut-être vivre dans les grottes, peut-être dans les branches, peut-être fabriquer encore plus de moyens de défense, que sais-je encore. Je la vois toujours affairée, et créative, toujours pleine d’idées nouvelles et surtout travaillant dans la joie, pour que leur vie puisse prospérer et perdurer.

Si le père Lac Long Quan, grand organisateur social a nommé des clans, des chefs, des responsables, et fondé la première dynastie vietnamienne, la fée quant à elle, les laisse plus libres dans leurs tribus qui se différencient en restant proches, et au bout de son voyage terrestre, rejoint sa demeure dans les neuf cieux. La légende dit encore qu’elle a continué à nourrir ses enfants en laissant son sein, que l’on voit encore aujourd’hui sous la forme d’un stalagmite dans une des grottes de la belle Baie d’Halong. C’est un grand bloc rosé et rond, surmonté d’un mamelon de cinquante centimètres de diamètre, posé encore sur un morceau d’un corps mi-humain mi-féerique. La grotte porte le nom de la « Grotte de l’étonnement » : on ne peut que pousser des « Oh ! » en le voyant.
​Au Co a la figure d’un.e migrant.e d’aujourd’hui. Venant de son palais céleste, elle a fait sienne la terre qui l’accueille au nom de l’amour qu’elle porte pour un dragon-roi des mers. Je ne sais si les fées et la cour qui l’ont accompagnée dans ses pérégrinations ont choisi de rester avec elle et de partager ses nouvelles charges, la légende n’en parle pas, mais sûrement elle a dû embrasser les affaires d’une femme terrestre normale, à commencer par la maternité. Une maternité hors norme, un sac contenant cent œufs qui sont déjà autonomes et porteurs des mêmes gènes, Un sac couvé par les rayons du soleil et de la lune pour arriver à maturité, pour que les enfants sortent eux-mêmes de leurs coquilles. Ce sac, mis au monde par Au Co permet la transformation.

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​La fée maintenant, dans sa boîte à souvenir, range ses images des montagnes et des cimes d’arbres, des vallées et des ruisseaux, des chutes d’eau et des grottes. Désormais elle se laisse émouvoir par les marées des mers, par les rubans des fleuves, les champs et jardins lourds de fruits.
​ Elle et son mari le roi ont appris aux peuplades comment on peut couvrir leur nudité, pour le froid et la chaleur certes, pour la pudeur et la morale aussi. La culture, l’organisation sociétale font leur apparition : les cueilleurs chasseurs apprennent le partage et la mise en commun au retour des expéditions.
​Et puis, il y a eu la séparation sans heurts, peuple des plaines, et peuple des montagnes. Du delta du grand Fleuve Rouge, les cinquante enfants se répandent dans les quatre directions pour conquérir d’autres terres et d’autres mers. Beaucoup plus loin et bien longtemps après, ils arriveront dans le delta du Mékong, et qui porte le nom de Neuf Dragons, en souvenir de leur père le Roi des mers.
​ La fée reine est bien plus attachante. Les cinquante enfants sont venus explorer les forêts et les vallées, respectant les spécificités de leurs tribus pour former de nombreux groupes ethniques et leur langue propre. Ils ont gardé la couleur éclatante de leurs habits, les pointes de flèches et leur carquois, les gongs et les totems, les pipeaux et les tambours. Les yeux tournés vers le Ciel, ils rendent grâce aux dieux et aux multiples créatures de la vie.
​Je ne sais si ces modes de vie remontent bien à leur ancêtre Au Co, mais dans mes voyages dans ces zones de montagnes, je me retrouve de manière étonnante chez moi, assise autour du feu dans leur maison Rong et mangeant leur épi de maïs comme si je l’avais toujours fait.

​Pendant dix ans, je suis partie à la rencontre de ces peuples. J’ai passé mon adolescence à Dalat, villégiature renommée et fortement influencée par les Européens, et j’ai grandi avec certains enfants des Lat, une des ethnies des montagnes du Centre du Vietnam ; mais c’est à mon retour du pays à l’âge de quarante ans que je découvre l’éventail des peuples du Nord Vietnam : Peuples des vallées comme les Thai, les Muong, peuples dans les nuages Hmong, Dao, Pathen…, puis les Tay, Nung, LoLo, et dans les Hauts Plateaux, Bahnar, Edê, Sedang, sans compter les Cham, les Mnong…etc. plus au sud. Dans leur verdure majestueuse, je suis éblouie devant les montagnes sculptées en espaliers depuis la nuit des temps, je pleure devant leur arbre de vie fabriqué aux premiers jours du printemps lors des cérémonies, et leurs habits colorés sont là pour raconter leurs différents villages dispersés.

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Pendant dix ans, j’ai pu récolter pièce par pièce les habits des groupes des montagnards, pour avoir une collection de vêtements d’une trentaine de groupes ethniques différents. Les vieilles femmes m’ont montré leurs mains bleuies de teinture d’indigo, qui les honorent dans leur rôle de femmes responsables dans leur foyer, et j’ai pu voir comment un morceau de toile nait dans les tiges de chanvre bouillies, grandit dans le chant des métiers accrochés à la ceinture des femmes, et se pare ensuite de couleurs dans les danses des aiguilles qui racontent point par point leur voyage dans les sentiers des forêts.
​J’ai présenté cette collection plusieurs fois, par des défilés de costumes et de parures, au son du bambou des T’Rung, xylophones suspendus, et de la pierre des lithophones sonnant comme des ruisseaux. J’ai appris à nouer une jupe, à tourner un turban, à croiser un sac, des modes tellement différentes d’une ethnie à une autre. On m’explique la signification des gestes, et je ne peux qu’admirer les pièces de vêtements porteurs de mémoire.
​Ces jeunes filles qui défilent représentent leur petit peuple, et elles s’effacent dans leur pas pour qu’on n’entende que le récit de leur histoire, de leur maison, de leurs combats. Leurs combats sont aussi les miens. Pour survivre dans l’obscurité, pour monter jusqu’en haut des arbres quand les fauves sont en bas, pour reconstruire à ras la terre avec des mains nues, après des colères de la nature. Et avec tout un clan, un esprit de clan, une fraternité, une foi et un amour sans faille.

​Mais ce n’est pas seulement avec les enfants de la forêt que je me sens porteuse du sang d’Au Co, la plaine et la mer m’ont rappelé à leur manière à leurs fils aussi. Il me semble que la séparation n’est là que pour donner la multiplicité, et que les cent enfants sont toujours les mêmes frères. A vrai dire, certaines grandes familles d’aujourd’hui qui occupent une place importante dans la société portent des noms des clans de l’ancien temps des montagnes, tout comme les noms de certains seigneurs dans les frontières ont des résonances des peuples mers et des fleuves. La légende les a fait voyager d’un endroit à l’autre, ils retournent chez eux comme Ulysse mais en laissant peut être un enfant quelque part, un enfant qui recherchera ses racines, et reprendra le voyage de son père.

​L’histoire ajoute que la terre de leurs ancêtres Dragon et Fée a été bénie des dieux, mais que la jalousie des voisins rend les frontières fragiles. Durant des siècles, il y a eu des guerres incessantes où le peuple a plié la tête et s’est ensuite relevé au prix de son sang. Familles dispersées et endeuillées, terres désertifiées, faim et soif, pleurs et plaintes. Comme au premier temps des monstres des mers et du renard à neuf queues de Lac Long Quan, l’esprit du dragon persiste, et la fée Au Co reprend ses enfants dans sa maison pour les remettre sur de bons rails. Et peut être en prenant sous ses ailes également les orphelins des autres mères. La matriarche doucement embaume leur cœur, soigne leurs blessures, remplit leurs bols, et leur donne le modèle d’amour et d’harmonie. Et quand la vacation sur terre est finie, elle s’en va en laissant encore son sein de pierre dans la grotte d ’Ha Long.
​Au Co, fée des montagnes lointaines, la migrante, l’étrangère sur la terre des plaines et des mers, est celle qui lutte pour construire une maison et un clan. Ses gènes au fil des siècles se retrouvent dans mon sang de vietnamienne. Je ne sais s’il y a eu beaucoup de mutations, qui ont été des adaptations nécessaires pour que la vie continue, mais cette féminité têtue prend toujours le dessus et honore les faits et décisions dans mon propre cas.

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​Plus tard, les activités sociales m’ont conduit à m’occuper des enfants délaissés et abandonnés, et à bâtir trois orphelinats au pays. Pendant trente ans jusqu’à aujourd’hui, les enfants des autres sont devenus les miens, frères et sœurs des enfants de mon sang, et maintenant vient la deuxième générations d’enfants de ces enfants, qui doivent pousser aux côtés de leurs papa et maman réconciliés de la vie.

​Je n’ai pas eu le sac de cent œufs comme Au Co. Mais mes enfants ont cassé leurs coquilles d’œuf à la force de leur bec et de leurs ongles, et ont fortifié et enrichi eux-mêmes les gènes de leur propre lignée. Un millier de lignées qui se sont trouvées sur ma route, rencontre de hasard, toile d’araignée fragile et collante, certains restent des frères véritables, d’autres prennent leur liberté. Au fond de moi, se dessine la silhouette de mon aieüle la fée, sans bagages, sans encombrements, sans rien demander de plus.
Bich Dao



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