Sujet : « Mes questions sur les TRANS »
Cette étude repose sur l’analyse d’un film documentaire dont le titre est : « Mes questions sur les Trans » et qui entre dans une collection de documentaires diffusée sur la chaîne de télévision France 5, notamment le mardi 17 mai 2011 à 20h30. Ce documentaire télévisé est une suite d’interviews réalisée par le cinéaste Serge MOATI et la journaliste Charlotte LESSENA.
Serge Moati est réalisateur de cinéma et de TV, acteur et scénariste français. Il a un long parcours de cinéaste commencé à l’âge de vingt-deux ans et qui se poursuit jusqu’à nos jours soit depuis plus de quatre décennies.
Outre le cinéma, il se lance dans d’autres domaines comme l’animation télévisée depuis 1999 où il a animé par exemple sur France 5 l’émission « Ripostes ».
Dans quels buts, dans quels contextes, Serge MOATI a-t-il voulu réaliser ce reportage ? Quels sont les parcours douloureux que traversent les personnages du film ainsi que leurs confidences étayées par leurs « vécus » sur les plans sociétal et institutionnel ? Enfin, quels sentiments peuvent percevoir les téléspectateurs en découvrant ce documentaire ?
Allant plus loin que l’homosexualité, Serge MOATI et Charlotte LESSENA abordent un sujet encore souvent tabou, la « transidentité » en donnant la parole aux femmes devenues hommes et aux hommes devenus femmes. Ce documentaire dérangeant est montré lors de la Journée mondiale contre l’homophobie et de la transphobie. Les Trans réclament leurs droits et leur place dans la société avec leur singularité et dans le cadre du respect des Droits de l’Homme.
Ce documentaire est bâti sur deux types d’interviews différents qui se répondent en écho. Serge MOATI interroge les transgenres pour connaître leurs sentiments sur la façon dont ils vivent leur situation. Charlotte LESSENA fait une interview de deux témoins : Un neuropsychiatre et une certaine Delphine, « un» vétérinaire homme devenue femme alors qu’elle s’appelait Didier auparavant. Ces deux documentaires traitent de sujets difficiles et complexes.
Serge MOATI, par ses questions pertinentes, parvient à donner un panorama de situations d’une extraordinaire complexité avec un panel de personnages issus de classes sociales différentes,
Le début du documentaire de Serge MOATI est accompagné par une musique de fond douce et mélodieuse, pendant les conversations ou les commentaires du réalisateur, le silence remplace la musique, puis et à la fin du reportage, une autre musique forte et résonnante laisse en nous quelque chose semblable à un écho.
D’abord, Serge MOATI interviewe un jeune « garçon » qui était une fille devenue ensuite un garçon. Pour ce dernier, le fait de savoir si on est un garçon ou une fille est comme une « maladie physique ». Il pense que le corps de femme dans lequel il était, n’était pas à lui alors que le corps d’homme dans lequel il est à présent est bien le sien. Une obsession le poursuit depuis sa jeunesse, c’est de « pisser debout » pour être beau.
Le deuxième personnage est Carine, un sociologue homme devenu femme. Elle dit qu’être trans est un suicide social mais c’est aussi une douleur. Quand elle s’habille en fille, ce n’est pas un déguisement mais c’était bien elle car sous une apparence de jeu se cache quelque chose de fort, c’est surtout de « sauver sa peau »
Le troisième personnage, David, professeur d’anglais, travaille dans une association caritative. Dès son jeune âge, il pensait être un garçon jusqu’au moment où sa poitrine change et où apparaissent ses règles. Il découvre la différence physique entre garçon et fille à travers ses amis. Cependant, il ne se sent pas à l’aise entre les deux genres, ni l’un ni l’autre même s’il a ses règles. Il a essayé de devenir et d’agir comme une fille mais son entourage pense que c’est un pédé ou une gouine. Malgré tout cela, il se trouve bien avec son physique. Il ne souhaite pas basculer de « l’autre côté » car il se sent toujours être un homme. Il n’a pas de problèmes d’identité mais il a plutôt des problèmes avec les autres car son cas n’est pas reconnu.
Entre les interviews viennent s’intercaler quelques images des manifestations avec les slogans tels que : « égalité des droits » ou « on n’en peut plus » ou encore l’interview télévisée de la transsexuelle Coccinelle, super star des années 1960. Celle-ci, ambassadrice de transsexualité et de l’Amour, incarne le modèle de transition. Elle a témoigné dans un grand débat télévisé sur la transsexualité. Elle avait subi une opération à Casablanca parce qu’en France il n’existait pas de chirurgiens dans ce domaine.
Le quatrième personnage est Olivia, architecte homme devenu femme. Pour elle c’est impossible de vivre dans la transition. L’image de la femme est toujours dans sa tête depuis son jeune âge. Jusqu’à l’âge de 15 ans, elle pense que Coccinelle est un personnage qui existe et qu’on peut réaliser ce rêve. Pour le métier, Olivia exerce la profession d’architecte d’intérieur qui est réservé spécialement aux Femmes. Personnellement, c’est un changement car elle découvre la place des Femmes dans la société. Les femmes n’ont pas le même rôle que les hommes dans la société et dans le monde du travail.
Elle a donc subi une opération chirurgicale pour devenir Femme. Après l’opération elle avait éprouvé une grande émotion d’être dans un corps nouveau mais aussi avec la satisfaction de trouver le corps qu’on désire.
Le cinquième personnage, Anne Gaëlle, est le plus étonnant. Lors du rendez-vous avec elle, Serge MOATI avait l’impression de la connaître. En effet, le réalisateur a retrouvé en Anne Gaëlle un certain Albert quand celui-ci était jeune et engagé comme responsable de TF3. Il n’avait aucun doute sur l’identité d’Albert car Serge MOATI a reconnu l’homme brillant qu’était Albert dans son poste.
En réalité, Anne Gaëlle a pris conscience depuis l’âge de puberté qu’elle a été toujours fascinée, attirée par les Femmes. Elle avait des fantasmes en se voyant dans des scénarios où elle se transformait en femme par déguisement. Ce n’est pas un fantasme sexuel mais surtout un besoin d’être considérée comme une femme. Elle pensait que pour un enfant, il était préférable d’avoir un père mort plutôt qu’un père transsexuel. La transidentité n’est pas un choix qui concerne seulement soi-même mais cela concerne aussi les entourages.
Le sixième personnage, Hélène, un homme devenu femme, est productrice dans le show business. Pour elle, les Gays sont sortis de leur placard tandis que les gens dans la transition, comme elle, au contraire, sont rentrés dans le placard de leur mère et ont commencé à regarder les robes de leur maman. Pour elle, c’est le plaisir de mettre les robes de sa mère. C’est à l4 ans qu’elle a décidé de devenir Hélène. Elle dit que les gens qui sont dans la transition sont confrontés à des problèmes intérieurs. Ils ont besoin de soutiens moraux de leur famille sachant que le rejet le plus douloureux, le plus grave, c’est le rejet familial.
Toutes les personnes interviewées ont presque les mêmes longs parcours et qui, plus est, sont plus ou moins douloureux. Les souffrances subies sont d’ordre intérieur causées tout d’abord par le regard des autres (Carine, sociologue est condamnée dans sa cité, elle « n’a pas le droit de fréquenter les groupes des filles, sinon elle se faisait tabasser » et « Être trans c’est le suicide »). La peur que les autres découvrent cette différence est terrible car subir cette peur est une grande souffrance (Olivia, architecte : « La peur, la honte de cette différence » est comme le racisme, on demande la tolérance ; le professeur d’anglais « au début, les gens me traitaient de tous les mots », Hélène, la productrice : « dans la rue, je me suis faite insultée… »
Les trans ont un corps de naissance, homme ou femme, mais en eux même, le vrai corps se cache enfoui dans l’inconscient. Ils vivaient avec leurs fantasmes dans ce corps emprunté et souvent à l’âge de puberté ils prennent conscience de ce besoin de transition. (Comme dans le cas d’Olivia : « Avant d’être opéré, on trouve un arrangement, on met un couvercle, on vit sa féminité chez soi », ou le cas d’un jeune garçon, fille devenu garçon : « Le corps de Femme, pas à moi, le corps d’Homme c’est à moi », David : « Je suis un garçon malheureux, incapable d’être un garçon ».
Ceci les pousse à vouloir réaliser ces fantasmes. Mais le parcours est long et souvent douloureux les laissant indéniablement seuls. Ils n’ont personne à qui se confier ; ni famille, ni association pour les aider moralement. Ils ne savent pas où ils vont avec un paramètre financier qui joue un rôle important dans cette affaire. La décision de franchir le pas demande beaucoup de courage, de lutte en soi et envers les entourages : La famille, les amis, les collègues. Certains doivent attendre jusqu’à la retraite pour réaliser leur rêve et assouvir leur fantasme, souvent à l’étranger car en France, il n’y a pas de structures chirurgicales dans ce domaine (Coccinelle a dit : « En France, on n’est très en arrière sur ce domaine » et elle a protesté : « Je ne comprends pas pourquoi la France ne laisse pas les gens se sentir bien dans leur peau en se faisant opéré ? ».
En 1992, la France est condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour « non respect de vie privé ». C’est seulement au mois d’Octobre 1996 que l’existence des trans est officielle. Cependant, des campagnes de dénigrement continuent et considèrent que les trans sont les résultats d’un trouble psychique. Ils auront encore de longs parcours à surmonter.
En France, il n’y a que des hôpitaux publics qui peuvent faire des opérations de transition de sexe autour des équipes de chirurgiens, de neuropsychiatres. Les démarches sont longues et décourageantes (dans l’émission réalisée par Charlotte LESSENA, le neuropsychiatre répond sur le parcours : 2 ans de psychothérapie, durant ces 2 ans de suivie psychologique, les gens doivent écrire dix pages de leur biographie. Après ces démarches, alors seulement, le neuropsychiatre peut fait un certificat autorisant l’opération).
L’interview de Serge MOATI se termine par le mot « Archaïque » qui revient en écho et qui est prononcé par le professeur d’anglais. Celui-ci conclut en guise de critiques sur le regard sévère de la société, le manque de tolérance. A travers cette émission, David, Hélène, Anne -Gaëlle, Olivia, Carine…, « ils » ou « elles » trouvent enfin leur paradis perdu, leur bonheur, leur liberté et leur sérénité.
Ensuite, le deuxième documentaire est diffusé à l’occasion de cette journée mondiale et se prolonge avec les deux invités : Un neuropsychiatre, et Delphine, vétérinaire, 50 ans, homme (Didier) devenu femme. Didier (Delphine) a deux enfants avec son ex épouse. Delphine a écrit un livre intitulé « Devenir celle qui je suis » qui retrace sa vie et son parcours de transition.
Lors de cette émission, Delphine habillée en femme se présente et parle à visage découvert, elle décrit et assume pleinement son identité.
Aujourd’hui, elle assume à 100% « être en adéquation » avec le monde extérieur. Elle avait une vie « normale », « elle » est le père de deux enfants et avec une profession convenable pour permettre une vie assez aisée. Dans la vie de couple, Didier avait des moments heureux mais au fond de lui-même, il avait une image enfouie. Au début, il pensait que c’était une orientation sexuelle mais c’était autre chose que ça. « Je ne me sentais pas moi ». Elle a attendu si longtemps pour trouver son identité et cela pour plusieurs raisons personnelles.
Delphine n’est pas d’accord avec le parcours « officiel » décrit par le neuropsychiatre. Elle pense que la transition est une « affaire personnelle ». Quant à son parcours, Didier (Delphine) est allé voir un psychiatre pour raconter sa vie intime. Il n’avait pas besoin d’un diagnostic car ce n’était pas pour lui une maladie. Ensuite, il est allé en Thailande pour se faire opérer car il voulait aller jusqu’au bout.
En ce qui concerne les réactions familiales, ses enfants s’interrogent encore car c’est difficile pour eux d’accepter un tel changement. C’est dur aussi pour son ex-épouse et pour Delphine « elle –même ». Mais enfin, elle est tout à fait heureuse dans sa peau.
Ce sont deux documentaires extrêmement forts. Les témoignages sont tous différents et ont des itinéraires singuliers. Tous, dans leur singularité, sont attachants. Leur long parcours douloureux et leurs souffrances nous touchent profondément. Tous ont mis l’accent sur : « il faut sauver la peau ». Ils ont vécu et se sont cachés sous un masque pour ne pas faire de mal aux autres. Enfin, « ils » ou « elles » trouvent leur plénitude, leur liberté et leur sérénité après une longue lutte contre eux-mêmes et contre les autres pour trouver leur place dans la société.
Sites consultés :
www.biosstars.com/s/serge_moati.htm
www.france5.fr/.../France
Thuy Tien