• Home
  • Nhà Bếp Diễm Đào - RECETTES
  • Tranh - Peinture
  • Chuyen Ngan - Nouvelles
  • Trước Đèn Xem Sách- Lecture: Coups De Coeur
  • Thơ Văn - Poemes
  • Chuyện của Những Tác Giả Khác — Autres Auteurs
  • Góc Vườn Nhỏ - Un Coin de Jardin
  • Đàn Ca Nhạc Cổ Musique Traditionnelle
  • Hình Kỷ Niệm những Năm Học Gia Long- Les Photos a Gia Long
  • Contact
  • Lời Nhận Xét Của Đoc Giả
  • Nhạc Cổ Điển của Theodore Duong - Musique Classique composee par Theodore Duong
DIEMDAO
Picture
Portrait de ma tante Sept
​On l’appelle Cô Bay ou bà Bay, tante Sept ou Madame Sept, comme il est de coutume au Vietnam de nommer les gens par leur rang dans la famille.
​Ma septième tante est la sœur de mon père, et première fille après une série de 6 garçons. Après elle viendra une sœur Huit qui clôturera la fratrie.
​La fée du village de Yên Dai a doté Pham thi En née en 1916, d’une énergie peu commune. Après 6 garçons, la petite En s’annonce comme un printemps tardif, et les hirondelles de ce printemps-là ont inspiré ce joli prénom à mon grand père. Durant toute sa longue vie de 96 ans, ma tante Sept a su garder cette marque enthousiate de printemps, et la légèreté des hirondelles,
​Je l’ai vue pour la première fois en 1954, lors de l’exode du Nord Vietnam au Sud, à la coupure en deux du pays au niveau du 17è parallèle. Un million de personnes ont choisi de laisser derrière eux terrain, maison, biens, et une grande partie des parents pour le monde libre et la terre du Sud, un monde surtout libre dans le choix des croyances religieuses.
​Nous avons fait partie de ces exilés malgré nous.
​Ma tante Sept, Cô Bay, vivait dans le village de Yên Dai, province de Vinh, célèbre par le grand nombre de révolutionnaires dont Ho chi Minh. Mariée jeune selon le désir de mes grands parents à un garçon du pays, elle a appris à connaitre cet homme et à lui donner 5 enfants, 3 garçons et deux filles. Elle est rentrée dans cette famille de riches terriens comme un sous chef, c'est-à-dire embrasser presque toute la responsabilité.
​On raconte qu’elle gérait les repas de la famille et des ouvriers agricoles, soit au moins quarante bouches par repas, et trois fois par jour, et même un peu plus aux moissons. Elle gardait les restes pour les cochons qu’elle arrivait bien à engraisser. Elle avait un œil sur le grand potager et les légumes étaient abondants. En fait, elle était la première à se réveiller, la dernière à se coucher, elle avait à vérifier tout, se rappeler de tout, et laisser la décision finale à sa belle mère. Son mari gros joueur, gros buveur, profitait tellement de la vie, que la vie lui ôtait sans regret la santé. Il s’en alla à l’âge de 35 ans. Ma tante Sept soupira, et commenca sa nouvelle vie de veuve, en même temps que cette exode.
​Cô Bay a fréquenté l’école juste pour pouvoir lire et compter, et c’est déjà progressiste par rapport à d’autres femmes de l’époque à qui on interdisait de s’intéresser aux choses « masculines », « politiques », ou « romantiques ». Mais la tradition orale étant prédominante, Cô Bay connait plein de proverbes, de citations, de chants, de vers, de poèmes, et même souvent du grand poème Kim vân Kiêu réservé aux lettrés. Avec sa jeune sœur Huit, et les autres femmes de la famille, elle transforme les conversations des soirées en salonspresque « littéraires ». Elle dit « Cũng liều nhắm mắt đưa chân, thử xem con Tạo xoay vần đến đâu »

(on avance en fermant les yeux, on ne sait pas comment tourne la roue du destin ), en citant deux vers du Kiêu, qui s’ajuste à son épopée ; elle chantonne des chansons de la pleine lune «Ánh trăng trắng ngà, có cây đa to, có thằng Cuội già, ôm một mối mơ » ( Dans les rayons de la lune, il y a un grand banian, il y a un pauvre Cuoi qui vieillit à force de rêver)….
​J’ai encore été surprise par ses connaissances pratiques. Elle me dit : le ciel ce soir est bien trop rouge, demain il va pleuvoir. Et il pleut le lendemain. Elle me montre les oiseaux qui volent bas, ah, ça va encore tomber de la pluie. Elle regarde le soleil sur les feuilles de bambou, et dit, dépêchez vous, il est dix heures, et l’horloge montre dix heures. Les fourmis qui montent le long du mur, elle comprend le sens, tout comme dans le vol des libellules le septième mois, la tête sans plumes des corneilles en automne, le vent qui change de direction à tel moment, la floraison tardive des dahlias, le crissement discret dans les piliers en bois par les termite etc…. Pour les retardataires dans le travail, elle chantonne «Ngày thì đi chơi, tối lặn mặt giời giở lúa ra xay » ( ballade dans la journée, travail devant le pilon qu’à la nuit tombée ), et puis «Giời sinh, giời dưỡng » ( le ciel crée, le ciel s’en occupe ), qui est finalement sa devise, une confiance terrible dans son destin !
​Elle arrive à prendre des décisions selon ces signes, on voit qu’elle fait un avec la nature qui l’entoure.
​Cô Bay est de taille modeste par rapport aux frères, mais a les jambes bien plus lestes, la bouche économe de paroles, les yeux petits, et éclairant de bonté. Veuve avec ses 5 enfants sur le dos, elle est à la fois la droiture et la douceur incarnées. Je me rappelle qu’elle a fait partir sa famille de la zone occupée à la zone libre quand il y a l’ordre de l’exode, avec toutes les difficultés qu’on imagine dans les points de contrôle, les papiers en règle chez l’un deviennent suspects chez l’autre…cô Bay a allongé les enfants dans la barque, et rame toute la nuit dans le silence pour trouver le port d’embarcation. Elle raconte cette péripétie dans ces fameuses soirées, en mimant bien les sardines dans la boite, un doigt sur les lèvres souvent pendant le voyage, les bras faisant les rames discrètes, les oreilles tendues. Et elle conclut bien par un léger sourire, de gratitude, d’acceptation, de fierté dissimulée.
​La riche paysanne qu’elle était s’est transformée en petite commerçante dans la grande ville de Sai Gon, dans un hameau nouveau préparé pour la vague des nordistes. Cô Bay s’installe dans une petite maison au toit de tôle, aux murs de planches minces, aux portes qui s’enlèvent par glissement pour découvrir le devant de son épicerie. Elle habite au premier étage, dans une grande pièce séparée en deux par un rideau, couchant sur des nattes à même le plancher. Je me rappelle encore les gros fils qui descendent du plafond chargés de sachets d’épices, d’anis, de cannelle, de muscade, qu’on devine dans le flou des sachets de nylon . J’ai vu des jeunes qui viennent chercher une aiguille a coudre, et Cô Bay déchire un bout de bristol et fixe l’aiguille pour elle en accompagnant de multiples recommandations. J’ai vu une jeune femme venir pour un bol de nuoc mam, les hommes pour des seiches séchées pour leur tapas en apéro , des petits pour les bonbons, pour les gousses en shampooing… co Bay a toujours tout sous la main, à n’importe quelle heure de la journée, et même tard le soir quand les volets sont fermés. On l’appelle fort en bas, on tape sur le bois, et elle descend. Pour nous les petits neveux, c’est un gros garde- manger plein de bonnes choses, mais on n’a pas le droit de plonger nos mains dans ces bocaux. Cô Bay gagne sa vie sous par sous, maman nous a bien fait comprendre.
​Avec ces sous, elle a payé l’école pour tous ses enfants. J’ai vu ma tante toute fière en parlant du baccalaureat de son ainée, du brevet de son fils, des tableaux d’honneur des petits. Mes cousins sont formidables, et savent comment leur mère investit dans eux. Ma tante dans son humble hameau Xom Sau Lèo a réussi à faire figure de Dame respectable, pas plus riche que son entourage mais vaillante, propre, courageuse, honnête, droite, et bonne, compatissante, la parole mesurée jamais blessante. Cô Bay est une grande fervente, prie tous les soirs, va à la messe les dimanches et jours de fête, et met la main à sa poche dans les collectes pour un tel malade, un tel décédé, un tel se marie…

​Cô Bay a rejoint sa fille les dernières années de sa vie aux Etats-Unis car elle n’a plus personne autour d’elle dans sa vieillesse. Je suis allée la voir à Burbank près de San Francisco en 2015 quelques mois avant son départ au ciel. Devant moi une petite dame d’un mètre quarante, les yeux aussi doux qu’auparavant, la marche tremblante, le sourire aux lèvres, se souciant encore des fleurs trop précoces du citronnier qui risquent de ne pas durer. Le long de l’allée, entre les fleurs, poussent de la menthe et du Siso, du Rau Ram et quelques plants de piment . Ils relèvent encore ses plats même si elle ne consomme plus que de la soupe.
​Ma tante Sept, Cô Bay, est partie au ciel dans son sommeil, tranquille, sereine, et heureuse.


Proudly powered by Weebly
  • Home
  • Nhà Bếp Diễm Đào - RECETTES
  • Tranh - Peinture
  • Chuyen Ngan - Nouvelles
  • Trước Đèn Xem Sách- Lecture: Coups De Coeur
  • Thơ Văn - Poemes
  • Chuyện của Những Tác Giả Khác — Autres Auteurs
  • Góc Vườn Nhỏ - Un Coin de Jardin
  • Đàn Ca Nhạc Cổ Musique Traditionnelle
  • Hình Kỷ Niệm những Năm Học Gia Long- Les Photos a Gia Long
  • Contact
  • Lời Nhận Xét Của Đoc Giả
  • Nhạc Cổ Điển của Theodore Duong - Musique Classique composee par Theodore Duong