« Au Tết de la Mi- Automne, on allumait les lanternes pour aller se promener
Nous nous promenions dans tous les coins du quartier
Nous étions heureux, les lanternes à la main,
Nous dansions en chantant sous la lueur de Pleine Lune… »
Le magazine Mõ de Sacramento, la capitale de l’Etat de Californie publiait la chanson du jour de fête de la Mi-Automne écrite spécialement pour les enfants. Des avocats, dentistes, sociétés d’assurance payaient pour avoir leurs publicités dans ce magazine. On pouvait aussi y lire des annonces de recherches d’amis et des nouvelles en vietnamien destinées à la communauté vietnamienne.
Je cherchais dans ce magazine les annonces de taxi pour aller à l’aéroport afin de rentrer à Paris après deux mois de vacances aux Etats-Unis. Je m’arrêtai à la page de cette chanson dont les paroles m’emportèrent vers les souvenirs, les images de la « Fête Lunaire d’Août » de mon enfance à Saigon dans les années soixante.
- Hồng, Hồng, es-tu prête ?
- Heh ! Doucement, si non, tu vas avoir le hoquet. Tu peux sortir dès que tu auras fini ton bol !
- Oui, grand-mère, j’ai fini.
- Aujourd’hui on mange la soupe salée au poisson que tu aimes bien. D’habitude, tu manges deux ou trois bols. Juste un seul bol, ce n’est pas suffisant pour toi.
- Ngoại ! Hồng veut jouer à la lanterne.
- Anh Ba (Grand frère No Trois), tu ne connais rien, il ne faut pas te mêler des affaires des autres.
- Arrête de dire n’importe quoi, comme aujourd’hui tu as une lanterne en forme de Carpe rouge que Bác Như t’a donnée, tu as envie de la montrer à tes amis ?
- Et toi, alors ? Tu as aussi la lanterne de Lapin que Maman a achetée pour toi. Sais-tu pourquoi maman a acheté cette lanterne de lapin ? Parce que tu es « Timide comme un lièvre »
- Et sais-tu pourquoi Bác Như t’a acheté la lanterne de la Carpe ? Parce toi, tu es très bavarde et tu as toujours réponse à tout, comme tes amies.
- Oh Eh ! Finissez votre repas ensuite vous pourrez sortir. Si vous vous disputez, vous resterez à la maison ce soir.
- Hồng ! Hồng !
Je vins vers elle, je l’embrassai sur ses joues ridées.
- Ngoại ! je t’aime tellement, je te promets de rentrer avant neuf heures.
- Tu sors pour t’amuser avec tes amis mais fais attention aux bougies qui peuvent brûler ta lanterne. Attends ton frère qui t’accompagnera pour que tes amis ne t’embêtent pas !
- Ne t‘inquiète pas Ngoại. C’est elle qui embête ses copains !
Ngoại nous chassa d’un signe de la main :
- Allez-y et rentrez tôt ! Ne vous vous disputez plus. S’il n’y a pas de disputes entre vous en une journée, je ne mangerai pas !
De loin, je voyais les copains avec des lanternes scintillantes de différentes couleurs et de formes différentes, souvent des formes d’animaux de toutes tailles. A côté, il y avait des lanternes simples rondes bien moins chères.
Les chansons retentirent dans le petit quartier, les enfants faisaient la queue leu leu, les voix animées résonnaient :
« La lumière d’une blancheur d’ivoire de la Lune
« Un grand arbre banian et le vieux Cuội
« Qui embrassait un tas de rêves, embrassait un tas de rêves
« Eh Cuội ! je vais te dire
« Pourquoi restais-tu sur la Lune …
« Au Tết de Mi -Automne, j’allume les bougies pour aller m’amuser
J’allume les bougies pour me promener partout dans le quartier…
- Mẹ !
- Es-tu prête ? On va au marché pour acheter quelques bánh Trung Thu (Gâteaux de lune) pour que tu les dégustes avec du thé. Sinon tu me diras que quand on vit à l’étranger on oublie ses coutumes.
- « On suit les coutumes d’une famille comme la barque suit le courant du fleuve là où elle se trouve. » est-ce la devise des exilés pour s’adapter à une nouvelle vie ? Est-ce pour cette raison qu’ils perdent leur identité culturelle ?
Fanny Celsiana et Dieu Tien