Livre : PASSION SIMPLE
L’auteur : Annie ERNAUD
Passion Simple est un roman contemporain. C’est l’histoire qui raconte une liaison passionnelle entre la narratrice avec un diplomate russe appelé A. pendant un an. Durant un an de cette liaison, elle est dans un tourbillon d’amour comme les adolescents. Le monde n’existe plus, elle ne vit plus d’autre qu’attendre cet homme. Elle ne s’intéresse rien, ni le travail, ni les activités quotidiennes même si ses deux fils passent la voir, elle a peur qu’ils restent longtemps, leur présence la gêne par peur que si cet homme vient le même moment (Page 13 : je ne fais plus rien d’autre qu’attendre un homme, page25 : je n’avais dévoilé àmes fils qui sont étudiants et séjournent irrégulièrement chez moi, page 26 : Ainsi, ils devaienttéléphoner pour savoir s’ils s’y pouvaient rentrer à la maison et, s’ils trouvaient, repartir dès que A. annonçait sa venue. Page17 : Quand il me laissait un intervalle plus long, trois ou quatre jours entre son appel et sa venue, je me présentais avec dégoût tout le travail que je devais faire, le repas d’amis où je devrais aller, avant de le revoir. J’aurais voulu n’avoir rein d’autre à faire que l’attendre. Page 24 : la séance de gym ou des résultats scolaires des enfants : tout ce qui m’était maintenant ou pénible ou indifférent. P.41 : J’ai refusé avec violence une charge supplémentaire de travail que mon directeur me réclamait). Tout ne rien existe !
Pendant un an, elle ne sort plus. Par peur de manquer l’appel de A.
Pendant un an, elle vit toujours dans la rêverie de A
Pendant un an, elle veut être toute seule pour penser à A, son amant. Elle est vraiment exaspérée de voir côtoyer le monde extérieur, même ses enfants. Elle va complètement retirer de son monde.
Pendant cette relation elle vit dans un fantasme qu’elle a créé. Est-elle vraiment fantasmée cette liaison comme une relation amoureuse ? Comment vit-elle dans son fantasme ?
1/ La question du fantasme.
Qu’est ce que c’est un fantasme ?
Définition : (dans le vocabulaire de la psychanalyse, J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Puf,) page152 : D : Phantaisie – En : fantasy ou phantasy. – Es : fantasiaou fantasma. – P : fantasia.
Scénario imaginaire où le sujet est présent et qui figure, de façon plus au moins déformée par les processus défensifs, l’accomplissement d’un désir et, en dernier ressort, d’un désir inconscient.
Le terme allemand phantaisie désigne l’imagination. Non pas tant la faculté d’imaginer au sens du philosophique du terme que le monde imaginaire, ses contenus, l’activité créatrice qui l’anime. Freud a repris ces différents usages de la langue allemande.
(Page 155 : Le fantasme est dans le rapport le plus étroit avec le désir, un terme freudien vient l’attester : Wunschphantasie, ou fantasme de désir. Comment concevoir ce rapport ? On sait que pour Freud le désir trouve son origine et son modèle dans l’expérience de satisfaction : « Le premier désirer (Wüschen) semble avoir été un investissement hallucinatoire du souvenir de la satisfaction ».
Fantasme (dans Le Robert, dictionnaire historique de la langue française, sous la direction Alain Rey, p. 1396) nom masculin est emprunté (fin XIIème s.) au latin impérial phantasma, « fantôme, spectre » en bas latin « image, représentation par l’imagination », transcription du grec phantasma « apparition, vision, fantôme » de la famille de phainein « apparaître _ (fantaisie). La graphie phantasme a été aussi usuelle ; la tentative de distinguer deux sens selon la graphie, en psychanalyse a échoué.
Introduit avec le sens d’illusion », fantasme a signifié aussi « fantôme » (XIV è s.) _ fantômel. Il devient un terme médical, avec le sens d’« image hallucinatoire » (1832), son emploi s’est restreint au sens de « production de l’imaginaire qui permet au moi d’échapper de la réalité » (1866, Amiel) ; le développement de la psychanalyse, où le mot marque de l’opposition entre imagination et perception réelle, a rendu cette valeur courante au XXè s. (il traduit chez Freud l’allemand Phantaisie).
2/ Comment Annie Ernaux vit dans son fantasme ?
Dès au début, la première page nous montre que Annie Ernaux, en regardant la scène pornographique d’un film classé X, les images étaient floues, un bruitage étrange, l’histoire était incompréhensible, n’est pas dans la réalité, elle est fantasmée par ces images, par cette scène érotique en imaginant comme elle est en train de jouir, elle veut ressentir les mêmes jouissances avec A. Elle n’est plus elle-même. (p.12 :…qu’on peut voir cela, un sexe de femme et un sexe d’homme s’unissant, le sperme – ce qu’on ne pouvait regarder sans presque mourir devenu aussi facile à voir qu’un serrement de mains)
Ce fantasme devient comme une obsession, comme une production de l’imaginaire qui la mène loin de la réalité, elle vit dans les rêveries de A, même si elle dans le métro, au super marché, elle n’est presque loin de la réalité (p.21 : Dans le R.E.R., au super marché, j’entendais sa voix murmurer « caresse-moi le sexe avec ta bouche ». une fois dans ma rêverie, j’ai laissé passer ans me rendre compte la rame que je devais prendre.). Elle est presque « paralysée » comme elle est sous une anesthésie (p.21 : Cette anesthésie se dissipait progressivement…)
Dès qu’il parte, elle est loin de lui, elle ne sait pas quand il revient (p. 17 Quand il me laissait un intervalle plus long, trois ou quatre jours entre son appel et sa venue, je me présentais avec le dégoût tout le travail…p. 58 je calculais toujours « il y a deux semaines, cinq semaines qu’il est parti » et « l’année dernière, à cette date, j’étais là, je faisais ça », p. 74 : Au téléphone avant son départ, il m’a dit « je t’appellerai ». Je ne sais pas si cela signifie qu’il me téléphonera) elle ne vit que dans son imagination, dans ses rêveries de A, pendant toute son absence. Elle imagine ce qu’il fait, ce qu’il pense. Chaque chose qu’elle fait, elle essaie d’imaginer à A. (P. 15 : De même en lisant, les phrases qui m’arrêteraient avaient aux relations entre un homme et une femme. Il me semblait qu’elles m’apprenaient quelques choses sur A, et donnaient un sens certains à ce que je désirais croire. Ainsi, lire dans Vie et destin de Grossman que « lorsqu’on aime on ferme les yeux en embrassant » me portait à l’imaginer que A. m’aimait puisqu’il m’embrassait ainsi. P.39 : Quelquefois, je me disais qu’il passait peut-être toute une journée sans penser une seconde à moi. Je le voyais se lever, comme si je n’existais pas. Ce décalage avec ma propre obsession me remplissait d’étonnement. Comment était-ce possible. Mais lui-même aurait été stupéfait d’apprendre qu’il ne me quittait pas ma tête du matin au soir.) Pour user son temps entre les deux rencontres, elle n’a qu’à faire, à penser, à rêver comme une jeune adolescente.
Quand A est loin d’elle, A. Ernaux cherche à localiser en étant au courant de ses loisirs, il fait de jogging ; ses sorties même avec sa femme (P.47 : Je cherchais à être au courant de ses sorties pendant le week-end. Je pensais « en ce moment, il est dans la forêt de Fontainebleau, il fait du jogging – il est sur la route de Deauville – sur la plage à côté de sa femme », etc. Savoir me rassurait, j’avis l’impression que de pouvoir le situer dans tel endroit, à tel moment…).
Annie Ernaux, pour montrer son amour envers A, elle ne voulait pas partir en vacances car elle craignait de se lever le matin dans un chambre d’hôtel sans aucun l’appel de A pour l’attendre le prochain R.V. Dans les musées, elle ne regardait que des statues d’hommes nus parce qu’en elles, Annie Ernaux pouvait retrouver les formes du corps de A, de son sexe (P.47 : Je ne voulais pas partir en vacances cet été là, me réveiller le matin dans une chambre d’hôtel en voyant devant moi une journée à vivre sans aucun appel de lui à attendre. Mais renoncer à partir, c’était lui avouer plus clairement ma passion que de lui dire « je suis folle de toi » ; p.48 : J’étais attirée par les statues d’homme nus. En elles, je retrouvais la forme des épaules de A., de son sexe…p.50 : Dans le train, en revenant, j’avais l’impression d’avoir écrit littéralement ma passion dans Florence, en marchant dans les rues, en parcourant les musées, obsédée par A., voyant avec lui, mangeant et dormant avec lui…Ces huit jours seule sans parler, sauf aux serveurs de restaurant, possédée par l’image de A.., Une sorte de l’imagination et du désir dans l’absence)
Son fantasme est dans le rapport avec le désir, le premier désirer semble avoir été un investissement hallucinatoire du souvenir de la satisfaction » comme Freud a dit (p.54 : Je voulais à toute force me rappeler son corps, des cheveux, ses orteils. Je réussirais à voir avec la précision, ses yeux verts, le mouvement de sa mèche au-dessus du front, la courbe de ses épaules. Je sentais ses dents, l’intérieur de sa bouche, la forme de ses cuisses, le grain de sa peau. Je pensais qu’il y avait très peu entre cette reconstitution et une hallucination, entre la mémoire et la folie. Une fois, à plat ventre, je me suis fait jouir, il m’a semblé que c’était sa jouissance à lui)
Son imagination est au bord de la folie, elle « p.56 : répondait à des paroles que A n’avait pas dites) Elle rendait dans un endroit où elle avait rencontré, elle mettait le même tailleur, elle voulait reconstituait la même situation, elle revit les mêmes effets produits par son hallucination, jusqu’à ce qu’elle entende l’appel de A toute la journée. Ce moment là, Annie Ernaux, elle ne vit plus dans le monde réel, elle vit dans un monde de rêve qu’elle a crée, elle est entre le rêve et la réalité (p.56 : J’imaginais qu’on se retrouvait dans un hôtel, un aéroport, ou qu’il m’n voyait une lettre. Je répondais à des paroles qu’il n’avait jamais dites, à des mots qu’il n’écrira jamais. Si je me renais dans un endroit où je suis allée l’année dernière quand il était là – chez le dentiste ou à une réunion de professeur-, je mettais le même tailleur qu’alors, essayant de me persuader que les mêmes circonstances produiraient les mêmes effets, il m’appellerait le soir au téléphone. En me couchant vers minuit, abattue, je me rendais compte que j’avais réellement cru à cet appel toute la journée)
A la page 59, Annie Ernaux parlait de ses rêves, elle y revoyait sa mère (décédée) redevenue vivante – mais elle savait dans son rêve – se mère aussi – qu’elle avait été morte – elle voyait l’enfant qui était en maillot qui disparaissait, l’enfant était ressuscitait pour refaire la même itinéraire qui l’avait menée jusqu’à la mort, dans les autres rêves, elle voyait A parmi les gens sans la regarder sans un mot à lui dire, juste pour faire l’amour. Pour Freud, selon le principe du déterminisme psychique, le rêve possède un sens : il est l’accomplissement d’un désir inconscient. Le contenu manifeste un désir refoulé comme dans le texte de Freud « Sur la sexualité féminine », il a dit que (p.140 Tout ce qui touche au domaine de ce premier lien à la mère m’a paru difficile à saisir analytiquement, blanchi par les ans semblable à une ombre à peine capable de revivre, comme s’il avait été soumis à un refoulement particulièrement inexorable .. . En voici un : je soupçonne s’il y a une relation particulièrement étroite entre la phase du lien à la mère et l’étiologie de l’hystérie, ce qui n’a rien de surprenant si l’on considère que l’une et l’autre, la phase comme la névrose, appartiennent aux caractères particuliers de la féminité, je soupçonne aussi de plus, que l’on trouve dans cette dépendance vis –à vis de la mère, le germe de la paranoïa ultérieure de la femme. Ce germe semble bien, en effet, être angoisse d’être assassinée (dévorée ?) par la mère, angoisse surprenante mais que l’on trouve régulièrement. Nous sommes à affirmer que cette angoisse correspond à une hostilité envers la mère qui se développe chez l’enfant par suite des multiples restrictions de l’éducation et des soins corporels…). Pendant cette liaison, elle rêvait sa mère qui représente de l’interdiction, de l’angoisse. Elle rêvait de faire l’amour avec A. mais c’est une relation sans paroles comme ils sont étrangers, ils ont des cultures, des goûts tout à fait différents (p.36 : J’avais le privilège de vivre depuis le début, constamment, en toute conscience, ce qu’on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l’homme que l’on aime est un étranger.)
3/ Comment est –elle sortie de son fantasme ?
(P.60 : J’ai commencé de raconter « à partir au mois de septembre je n’ai plus rien fait qu’attendre un homme », etc., deux mois environ après le départ de A., je ne sais plus quel jour). Annie Ernaux savait très bien qu’un jour cette liaison devait terminer car il y a l’interdit moral, social ; c’est une relation sans aucun engagement, elle est consciente de ça mais devant cette rupture, elle perd complètement la notion du temps (p.61 Le temps de l’écriture n’a rien à voir avec celui da la passion).
Elle continue à vivre dans l’écriture, à raconter son histoire pour revivre ses souvenirs. Par l’écriture, elle est, en même temps, elle joue la scène en tant qu’une actrice, elle écrit en tant l’écrivain, la narratrice, mais aussi, elle est lectrice de son livre, spectatrice devant la scène pornographique. Elle invite ses lecteurs à assister cette scène avec elle comme voyeurs. Durant ce désespoir, cette souffrance de rupture, pourquoi Annie Ernaux a le désir de repasser à l’endroit où elle a avorté il y a bien longtemps. Vingt ans passés, visiter un lieu de mauvais souvenir, pourquoi ? Cette rupture avec A, Annie Ernaux veut comparer comme un avortement, pour elle, cette fois ci est un autre événement dont l’origine était aussi un homme. Cette visite est comme si elle veut couper le cordon pour redevenir elle-même ?
Deux ans après, A est revenu, au téléphone, elle entendait la voix de A avec terreur. Dans une demi-heure de l’attente, elle regardait la porte avec stupeur. Pourquoi avait-elle cette sensation ? Le retour inattendu, maintenant, A est revenu comme un fantôme. Elle avait essayé de sortir de son fantasme par un « avortement » comme une erreur, comme une honte (p.69 : Je n’arrive pas, pourtant, à le quitter, pas plus que je n’ai pu quitter A. l’année dernière au printemps, quand mon attente et mon désir de lui étaient ininterrompus. Tout en sachant qu’à l’inverse de la vie je n’ai rien à espérer de l’écriture, où il ne survient que ce qu’on y met…Maintenant que je suis allée au bout de cette nécessité, je regarde les pages écrites avec étonnement et une sorte de honte, jamais ressenti – au contraire – en vivant ma passion…)
Le retour inattendu et hâtif de A, il n’est pas changé physiquement (p.73 : il est toujours d’allure juvénile à trente huit ans) sa la première fois, les lecteurs savent l’âge de A. Et quand Annie Ernaux lui fait des reproches, il lui répond : « je t’aurais appelée, bonjour, ça va. Et puis quoi ? » Cette réponse est courte mais signifiante, c'est-à-dire, une relation sans issue.
Elle l’a reconduit à son hôtel, en revenant, elle pensait « Où est mon histoire ? » (p.74).
Annie Ernaux retrouvait A qui est revenu ce soir-là n’est non plus celui quelle portait en elle durant l’année où il était là, ensuite quand elle écrivait (p.74).
Elle comprend que c’est une rupture totale, elle sait qu’ 'elle ne reverra plus jamais. C’est un retour irréel presque inexistant (p75)
Conclusion.
Le fantasme qu’elle a construit, qu’elle élabore autour des RV avec cet homme qui la prévient au dernier moment, qui vient pour quelques heures parce qu’il n’est pas vraiment libre, il est marié. Quelle est imaginaire qui est représentation de féminin et on va essayer de l’affronter à ce que Freud dit de cette question de sexualité féminine. Est-ce que ça existe ? Est-ce qu’on peut rencontrer ?
Annie survit de cette douloureuse liaison, de ce masochisme qui lui offre le désir, le plaisir dans la souffrance grâce à un autre fantasme dans l’écriture. L’écriture est comme une trace de cette liaison, pour elle comme un luxe comme le dernier paragraphe de son livre (p. 77 : Quand j’étais enfant, le luxe, c’était pour loi les manteaux de fourrure, les robes longueset les villas au bord de la mer. Plus tard, j’ai cru que c’était de mener une vie d’intellectuel. Il me semble maintenant que c’est aussi une passion pour un homme ou une femme. ). Avec de la magie de l’écriture, quand elle s’est mise à écrire, elle a utilisé l’Imparfait dès la première ligne est celui d’une durée qu’elle ne voulait pas finie, celui de « en ce temps là la vie était plus belle, d’une répétition éternelle (p.61.)
L’auteur : Annie ERNAUD
Passion Simple est un roman contemporain. C’est l’histoire qui raconte une liaison passionnelle entre la narratrice avec un diplomate russe appelé A. pendant un an. Durant un an de cette liaison, elle est dans un tourbillon d’amour comme les adolescents. Le monde n’existe plus, elle ne vit plus d’autre qu’attendre cet homme. Elle ne s’intéresse rien, ni le travail, ni les activités quotidiennes même si ses deux fils passent la voir, elle a peur qu’ils restent longtemps, leur présence la gêne par peur que si cet homme vient le même moment (Page 13 : je ne fais plus rien d’autre qu’attendre un homme, page25 : je n’avais dévoilé àmes fils qui sont étudiants et séjournent irrégulièrement chez moi, page 26 : Ainsi, ils devaienttéléphoner pour savoir s’ils s’y pouvaient rentrer à la maison et, s’ils trouvaient, repartir dès que A. annonçait sa venue. Page17 : Quand il me laissait un intervalle plus long, trois ou quatre jours entre son appel et sa venue, je me présentais avec dégoût tout le travail que je devais faire, le repas d’amis où je devrais aller, avant de le revoir. J’aurais voulu n’avoir rein d’autre à faire que l’attendre. Page 24 : la séance de gym ou des résultats scolaires des enfants : tout ce qui m’était maintenant ou pénible ou indifférent. P.41 : J’ai refusé avec violence une charge supplémentaire de travail que mon directeur me réclamait). Tout ne rien existe !
Pendant un an, elle ne sort plus. Par peur de manquer l’appel de A.
Pendant un an, elle vit toujours dans la rêverie de A
Pendant un an, elle veut être toute seule pour penser à A, son amant. Elle est vraiment exaspérée de voir côtoyer le monde extérieur, même ses enfants. Elle va complètement retirer de son monde.
Pendant cette relation elle vit dans un fantasme qu’elle a créé. Est-elle vraiment fantasmée cette liaison comme une relation amoureuse ? Comment vit-elle dans son fantasme ?
1/ La question du fantasme.
Qu’est ce que c’est un fantasme ?
Définition : (dans le vocabulaire de la psychanalyse, J. Laplanche et J.-B. Pontalis, Puf,) page152 : D : Phantaisie – En : fantasy ou phantasy. – Es : fantasiaou fantasma. – P : fantasia.
Scénario imaginaire où le sujet est présent et qui figure, de façon plus au moins déformée par les processus défensifs, l’accomplissement d’un désir et, en dernier ressort, d’un désir inconscient.
Le terme allemand phantaisie désigne l’imagination. Non pas tant la faculté d’imaginer au sens du philosophique du terme que le monde imaginaire, ses contenus, l’activité créatrice qui l’anime. Freud a repris ces différents usages de la langue allemande.
(Page 155 : Le fantasme est dans le rapport le plus étroit avec le désir, un terme freudien vient l’attester : Wunschphantasie, ou fantasme de désir. Comment concevoir ce rapport ? On sait que pour Freud le désir trouve son origine et son modèle dans l’expérience de satisfaction : « Le premier désirer (Wüschen) semble avoir été un investissement hallucinatoire du souvenir de la satisfaction ».
Fantasme (dans Le Robert, dictionnaire historique de la langue française, sous la direction Alain Rey, p. 1396) nom masculin est emprunté (fin XIIème s.) au latin impérial phantasma, « fantôme, spectre » en bas latin « image, représentation par l’imagination », transcription du grec phantasma « apparition, vision, fantôme » de la famille de phainein « apparaître _ (fantaisie). La graphie phantasme a été aussi usuelle ; la tentative de distinguer deux sens selon la graphie, en psychanalyse a échoué.
Introduit avec le sens d’illusion », fantasme a signifié aussi « fantôme » (XIV è s.) _ fantômel. Il devient un terme médical, avec le sens d’« image hallucinatoire » (1832), son emploi s’est restreint au sens de « production de l’imaginaire qui permet au moi d’échapper de la réalité » (1866, Amiel) ; le développement de la psychanalyse, où le mot marque de l’opposition entre imagination et perception réelle, a rendu cette valeur courante au XXè s. (il traduit chez Freud l’allemand Phantaisie).
2/ Comment Annie Ernaux vit dans son fantasme ?
Dès au début, la première page nous montre que Annie Ernaux, en regardant la scène pornographique d’un film classé X, les images étaient floues, un bruitage étrange, l’histoire était incompréhensible, n’est pas dans la réalité, elle est fantasmée par ces images, par cette scène érotique en imaginant comme elle est en train de jouir, elle veut ressentir les mêmes jouissances avec A. Elle n’est plus elle-même. (p.12 :…qu’on peut voir cela, un sexe de femme et un sexe d’homme s’unissant, le sperme – ce qu’on ne pouvait regarder sans presque mourir devenu aussi facile à voir qu’un serrement de mains)
Ce fantasme devient comme une obsession, comme une production de l’imaginaire qui la mène loin de la réalité, elle vit dans les rêveries de A, même si elle dans le métro, au super marché, elle n’est presque loin de la réalité (p.21 : Dans le R.E.R., au super marché, j’entendais sa voix murmurer « caresse-moi le sexe avec ta bouche ». une fois dans ma rêverie, j’ai laissé passer ans me rendre compte la rame que je devais prendre.). Elle est presque « paralysée » comme elle est sous une anesthésie (p.21 : Cette anesthésie se dissipait progressivement…)
Dès qu’il parte, elle est loin de lui, elle ne sait pas quand il revient (p. 17 Quand il me laissait un intervalle plus long, trois ou quatre jours entre son appel et sa venue, je me présentais avec le dégoût tout le travail…p. 58 je calculais toujours « il y a deux semaines, cinq semaines qu’il est parti » et « l’année dernière, à cette date, j’étais là, je faisais ça », p. 74 : Au téléphone avant son départ, il m’a dit « je t’appellerai ». Je ne sais pas si cela signifie qu’il me téléphonera) elle ne vit que dans son imagination, dans ses rêveries de A, pendant toute son absence. Elle imagine ce qu’il fait, ce qu’il pense. Chaque chose qu’elle fait, elle essaie d’imaginer à A. (P. 15 : De même en lisant, les phrases qui m’arrêteraient avaient aux relations entre un homme et une femme. Il me semblait qu’elles m’apprenaient quelques choses sur A, et donnaient un sens certains à ce que je désirais croire. Ainsi, lire dans Vie et destin de Grossman que « lorsqu’on aime on ferme les yeux en embrassant » me portait à l’imaginer que A. m’aimait puisqu’il m’embrassait ainsi. P.39 : Quelquefois, je me disais qu’il passait peut-être toute une journée sans penser une seconde à moi. Je le voyais se lever, comme si je n’existais pas. Ce décalage avec ma propre obsession me remplissait d’étonnement. Comment était-ce possible. Mais lui-même aurait été stupéfait d’apprendre qu’il ne me quittait pas ma tête du matin au soir.) Pour user son temps entre les deux rencontres, elle n’a qu’à faire, à penser, à rêver comme une jeune adolescente.
Quand A est loin d’elle, A. Ernaux cherche à localiser en étant au courant de ses loisirs, il fait de jogging ; ses sorties même avec sa femme (P.47 : Je cherchais à être au courant de ses sorties pendant le week-end. Je pensais « en ce moment, il est dans la forêt de Fontainebleau, il fait du jogging – il est sur la route de Deauville – sur la plage à côté de sa femme », etc. Savoir me rassurait, j’avis l’impression que de pouvoir le situer dans tel endroit, à tel moment…).
Annie Ernaux, pour montrer son amour envers A, elle ne voulait pas partir en vacances car elle craignait de se lever le matin dans un chambre d’hôtel sans aucun l’appel de A pour l’attendre le prochain R.V. Dans les musées, elle ne regardait que des statues d’hommes nus parce qu’en elles, Annie Ernaux pouvait retrouver les formes du corps de A, de son sexe (P.47 : Je ne voulais pas partir en vacances cet été là, me réveiller le matin dans une chambre d’hôtel en voyant devant moi une journée à vivre sans aucun appel de lui à attendre. Mais renoncer à partir, c’était lui avouer plus clairement ma passion que de lui dire « je suis folle de toi » ; p.48 : J’étais attirée par les statues d’homme nus. En elles, je retrouvais la forme des épaules de A., de son sexe…p.50 : Dans le train, en revenant, j’avais l’impression d’avoir écrit littéralement ma passion dans Florence, en marchant dans les rues, en parcourant les musées, obsédée par A., voyant avec lui, mangeant et dormant avec lui…Ces huit jours seule sans parler, sauf aux serveurs de restaurant, possédée par l’image de A.., Une sorte de l’imagination et du désir dans l’absence)
Son fantasme est dans le rapport avec le désir, le premier désirer semble avoir été un investissement hallucinatoire du souvenir de la satisfaction » comme Freud a dit (p.54 : Je voulais à toute force me rappeler son corps, des cheveux, ses orteils. Je réussirais à voir avec la précision, ses yeux verts, le mouvement de sa mèche au-dessus du front, la courbe de ses épaules. Je sentais ses dents, l’intérieur de sa bouche, la forme de ses cuisses, le grain de sa peau. Je pensais qu’il y avait très peu entre cette reconstitution et une hallucination, entre la mémoire et la folie. Une fois, à plat ventre, je me suis fait jouir, il m’a semblé que c’était sa jouissance à lui)
Son imagination est au bord de la folie, elle « p.56 : répondait à des paroles que A n’avait pas dites) Elle rendait dans un endroit où elle avait rencontré, elle mettait le même tailleur, elle voulait reconstituait la même situation, elle revit les mêmes effets produits par son hallucination, jusqu’à ce qu’elle entende l’appel de A toute la journée. Ce moment là, Annie Ernaux, elle ne vit plus dans le monde réel, elle vit dans un monde de rêve qu’elle a crée, elle est entre le rêve et la réalité (p.56 : J’imaginais qu’on se retrouvait dans un hôtel, un aéroport, ou qu’il m’n voyait une lettre. Je répondais à des paroles qu’il n’avait jamais dites, à des mots qu’il n’écrira jamais. Si je me renais dans un endroit où je suis allée l’année dernière quand il était là – chez le dentiste ou à une réunion de professeur-, je mettais le même tailleur qu’alors, essayant de me persuader que les mêmes circonstances produiraient les mêmes effets, il m’appellerait le soir au téléphone. En me couchant vers minuit, abattue, je me rendais compte que j’avais réellement cru à cet appel toute la journée)
A la page 59, Annie Ernaux parlait de ses rêves, elle y revoyait sa mère (décédée) redevenue vivante – mais elle savait dans son rêve – se mère aussi – qu’elle avait été morte – elle voyait l’enfant qui était en maillot qui disparaissait, l’enfant était ressuscitait pour refaire la même itinéraire qui l’avait menée jusqu’à la mort, dans les autres rêves, elle voyait A parmi les gens sans la regarder sans un mot à lui dire, juste pour faire l’amour. Pour Freud, selon le principe du déterminisme psychique, le rêve possède un sens : il est l’accomplissement d’un désir inconscient. Le contenu manifeste un désir refoulé comme dans le texte de Freud « Sur la sexualité féminine », il a dit que (p.140 Tout ce qui touche au domaine de ce premier lien à la mère m’a paru difficile à saisir analytiquement, blanchi par les ans semblable à une ombre à peine capable de revivre, comme s’il avait été soumis à un refoulement particulièrement inexorable .. . En voici un : je soupçonne s’il y a une relation particulièrement étroite entre la phase du lien à la mère et l’étiologie de l’hystérie, ce qui n’a rien de surprenant si l’on considère que l’une et l’autre, la phase comme la névrose, appartiennent aux caractères particuliers de la féminité, je soupçonne aussi de plus, que l’on trouve dans cette dépendance vis –à vis de la mère, le germe de la paranoïa ultérieure de la femme. Ce germe semble bien, en effet, être angoisse d’être assassinée (dévorée ?) par la mère, angoisse surprenante mais que l’on trouve régulièrement. Nous sommes à affirmer que cette angoisse correspond à une hostilité envers la mère qui se développe chez l’enfant par suite des multiples restrictions de l’éducation et des soins corporels…). Pendant cette liaison, elle rêvait sa mère qui représente de l’interdiction, de l’angoisse. Elle rêvait de faire l’amour avec A. mais c’est une relation sans paroles comme ils sont étrangers, ils ont des cultures, des goûts tout à fait différents (p.36 : J’avais le privilège de vivre depuis le début, constamment, en toute conscience, ce qu’on finit toujours par découvrir dans la stupeur et le désarroi : l’homme que l’on aime est un étranger.)
3/ Comment est –elle sortie de son fantasme ?
(P.60 : J’ai commencé de raconter « à partir au mois de septembre je n’ai plus rien fait qu’attendre un homme », etc., deux mois environ après le départ de A., je ne sais plus quel jour). Annie Ernaux savait très bien qu’un jour cette liaison devait terminer car il y a l’interdit moral, social ; c’est une relation sans aucun engagement, elle est consciente de ça mais devant cette rupture, elle perd complètement la notion du temps (p.61 Le temps de l’écriture n’a rien à voir avec celui da la passion).
Elle continue à vivre dans l’écriture, à raconter son histoire pour revivre ses souvenirs. Par l’écriture, elle est, en même temps, elle joue la scène en tant qu’une actrice, elle écrit en tant l’écrivain, la narratrice, mais aussi, elle est lectrice de son livre, spectatrice devant la scène pornographique. Elle invite ses lecteurs à assister cette scène avec elle comme voyeurs. Durant ce désespoir, cette souffrance de rupture, pourquoi Annie Ernaux a le désir de repasser à l’endroit où elle a avorté il y a bien longtemps. Vingt ans passés, visiter un lieu de mauvais souvenir, pourquoi ? Cette rupture avec A, Annie Ernaux veut comparer comme un avortement, pour elle, cette fois ci est un autre événement dont l’origine était aussi un homme. Cette visite est comme si elle veut couper le cordon pour redevenir elle-même ?
Deux ans après, A est revenu, au téléphone, elle entendait la voix de A avec terreur. Dans une demi-heure de l’attente, elle regardait la porte avec stupeur. Pourquoi avait-elle cette sensation ? Le retour inattendu, maintenant, A est revenu comme un fantôme. Elle avait essayé de sortir de son fantasme par un « avortement » comme une erreur, comme une honte (p.69 : Je n’arrive pas, pourtant, à le quitter, pas plus que je n’ai pu quitter A. l’année dernière au printemps, quand mon attente et mon désir de lui étaient ininterrompus. Tout en sachant qu’à l’inverse de la vie je n’ai rien à espérer de l’écriture, où il ne survient que ce qu’on y met…Maintenant que je suis allée au bout de cette nécessité, je regarde les pages écrites avec étonnement et une sorte de honte, jamais ressenti – au contraire – en vivant ma passion…)
Le retour inattendu et hâtif de A, il n’est pas changé physiquement (p.73 : il est toujours d’allure juvénile à trente huit ans) sa la première fois, les lecteurs savent l’âge de A. Et quand Annie Ernaux lui fait des reproches, il lui répond : « je t’aurais appelée, bonjour, ça va. Et puis quoi ? » Cette réponse est courte mais signifiante, c'est-à-dire, une relation sans issue.
Elle l’a reconduit à son hôtel, en revenant, elle pensait « Où est mon histoire ? » (p.74).
Annie Ernaux retrouvait A qui est revenu ce soir-là n’est non plus celui quelle portait en elle durant l’année où il était là, ensuite quand elle écrivait (p.74).
Elle comprend que c’est une rupture totale, elle sait qu’ 'elle ne reverra plus jamais. C’est un retour irréel presque inexistant (p75)
Conclusion.
Le fantasme qu’elle a construit, qu’elle élabore autour des RV avec cet homme qui la prévient au dernier moment, qui vient pour quelques heures parce qu’il n’est pas vraiment libre, il est marié. Quelle est imaginaire qui est représentation de féminin et on va essayer de l’affronter à ce que Freud dit de cette question de sexualité féminine. Est-ce que ça existe ? Est-ce qu’on peut rencontrer ?
Annie survit de cette douloureuse liaison, de ce masochisme qui lui offre le désir, le plaisir dans la souffrance grâce à un autre fantasme dans l’écriture. L’écriture est comme une trace de cette liaison, pour elle comme un luxe comme le dernier paragraphe de son livre (p. 77 : Quand j’étais enfant, le luxe, c’était pour loi les manteaux de fourrure, les robes longueset les villas au bord de la mer. Plus tard, j’ai cru que c’était de mener une vie d’intellectuel. Il me semble maintenant que c’est aussi une passion pour un homme ou une femme. ). Avec de la magie de l’écriture, quand elle s’est mise à écrire, elle a utilisé l’Imparfait dès la première ligne est celui d’une durée qu’elle ne voulait pas finie, celui de « en ce temps là la vie était plus belle, d’une répétition éternelle (p.61.)