Le Retour a La Religion
Depuis déjà bien longtemps, Tâm n’allait plus à la messe. Elle ne se savait pas pourquoi elle n’y allait plus le dimanche, ou peut-être ne voulait-elle plus s’en souvenir. Avait-elle perdu la foi en Dieu ou avait-elle perdu la foi en elle-même ?
Dans le magazine Ngày Mới, Tâm avait lu une annonce religieuse : l’association des Eglises catholiques vietnamiennes de France organisait une messe à la chapelle Sainte Rita à l’occasion du sacrement annuel, le « Thánh lễ Minh niên » dédié aux prières pour la Paix mondiale et pour la Patrie.
Était-ce le résumé de la biographie de la brave Sainte Rita ou les deux mots « La Patrie » qui encouragèrent Tâm à y aller ?
Mais, ce jour-là, après le déjeuner, comme il pleuvait et que la route était glissante, Tâm se sentit paresseuse. Maintes fois, la paresse avait chez elle gagné, en particulier quand elle voulait faire des choses qu’elle n’était pas obligée de faire. Mais cette fois-ci, sans trop comprendre pourquoi, Tâm vainquit sa paresse, et sortit sous la pluie. Guidée par l’itinéraire indiqué dans l’annonce, Tâm arriva à la chapelle, face à la station Fontenay aux Roses. Peut-être le mauvais temps expliquait-il qu’il y avait peu de fidèles. C’était la première fois que Tâm assistait à une messe en vietnamien. Elle se sentait déboussolée et perdue. Anh L.T, membre de l’organisation, lui passa le texte de la prière No 5 et lui murmura d’aller à l’autel la réciter. Tâm se voyait confier la lourde charge de porter à l’autel « le Corps du Christ ». Elle se sentait un peu gênée et pleine de complexes car depuis fort longtemps elle n’allait pas à la messe, mais elle ne pouvait ni refuser, ni s’expliquer. Tâmétait comme une brebis égarée !
« Dans la vie quotidienne, nous sommes indifférents à nos compatriotes, volontairement ou pas ; nous sommes égoïstes en ce qui concerne les biens, l’argent, nous manquons de compassion envers autrui et même dans nos prières. Nous ne pensons qu’à nous-mêmes. Prions Dieu de nous aider à nous aimer les uns les autres et ainsi servir Dieu ». Tâm ne savait pas si c’était une coïncidence mais ces prières reflétaient son état d’âme.
Elle observait le prêtre célébrer l’office, réciter les prières à Dieu dans sa langue maternelle ; ces prières que depuis longtemps, elle n’avait pas entendues lui rappelaient son enfance. Tâm, ses frères et sœur avaient grandi dans une petite province de la région Hâụ Giang, entourés de l’amour d’une grande famille maternelle, bà Cố (l’arrière-grand-mère), Bà Ngoại(la grand-mère) deux grand- tantes célibataires, des fidèles ferventes. Chaque soir, après le dîner et avant le coucher, tout le monde devait faire des prières devant l’autel surmonté d’une grande statue de la Sainte Vierge. Même si Tâm et ses frères et sœur n’étaient pas catholiques ils devaient rester devant l’autel, les bras croisés, pour prier.
-Sơn, Lâm, Tâm, Hậu, vous tous, priez avant de vous coucher !
Les deux grands frères de Tâm essayaient toujoursd’échapper à l’heure des prières mais Bà Bảys’efforçait de les attraper pour les obliger à écouterles prières et, quand les femmes étaient absorbées dans leur prière, les deux frères s’éloignaient de nouveau. Souvent les fidèles ferment les yeux pendant les séances de prières, se concentrent-ils pour consacrer leurs pensées à Dieu ? Tâm et Hậuimitaient leurs frères et prenaient la fuite parce que le moment des prières durait trop longtemps ! Tâm était la favorite de sa grand-mère, c’est pourquoi, chaque dimanche matin, elle se levait très tôt, pour l’accompagner à la première messe.
-Tâm, lève-toi, on va à l’église !
Elle avait du mal à ouvrir les paupières comme si le sommeil pesait encore lourdement sur ses yeux, la chaleur de la couverture la retenait au lit. Elle ne comprenait pas pourquoi elle seule devait se lever tôt, mais en revanche, elle était la plus gâtée. L’Amour avait un lien avec les obligations, lien que parfois on ignore malgré son évidence. Chaque matin, le pousse- pousse habituel attendait Bà Ngoai devant la maison pour l’emmener à l’église, près de la berge. Dans la brume de l’aube, la fraîcheur de la rivière réveillait Tâm. Tâm aimait Bà Ngoại, alors aller à la messe très tôt devint une tradition. Après la messe, elle pouvait aller au marché et manger tout ce qu’elle voulait. Ngoại lui disait souvent que si elle faisait l’effort d’aller à la messe, Dieu et la Sainte Vierge la protègeraient.
Les prières que Bà Ngoại récitaient à chaque fois que Tam était malade, ainsi que son amour étaient gravés dans sa mémoire donc bien qu’elle ne soit pas catholique, Tâm par atavisme, allait à l’église et faisait des prières quand elle avait des soucis. Les prières et la foi nous donnent-ils la force de surmonter des obstacles ?
Quand les enfants furent grands, toute la famille partit vivre à Saïgon, on ne voyait plus les deux grand-tantes prier, il restait Bà Ngoại, son chapelet à la main, et Tâm continuait à se lever tôt pour aller à l’église de Tân Định. Le cyclo remplaçait le pousse-pousse. Gardant les mêmes habitudes, après la messe, Tâm et Bà Ngoại allaient au marché de Tân Định, l’adolescente avait le plaisir de choisir tout ce qu’elle avait envie de manger, comme du bánh Gan au caramel, bien sucré, du bánh da lợn moelleux à la couleur verte naturelle du lá dứa.
Quand Tâm entra au lycée, sa mère bénéficia, ainsi que ses deux collègues professeurs d’anglais comme elle, d’une bourse pour un stage d’un an aux Etats-Unis. Ngoại s’occupa de ses petits-enfants durant l’absence de leur mère. Mais pendant cette période, Bà Ngoại fut gravement malade, et hospitalisée à l’hôpital « Grall ». Sa mère voulut alors abandonner ses études à mi-parcours pour retourner au pays. Mais ses deux collègues catholiques, lui conseillèrent de continuer sa formation pour éviter d’avoir à rembourser la bourse, et elles lui recommandèrent d’aller prier à l’église pour que grand-mère guérisse. Maman avait fait la promesse qu’elle retournerait à la religion si tout se passait bien. Un miracle eut-il lieu ? Ses prières furent exaucées, la grand-mère guérit rapidement, la maman continua ses études
Tâm se souvenait qu’un jour sa Grand-mère reçut une lettre de maman, elle était toute contente et les fit venir près d’elle :
- J’ai deux bonnes nouvelles à vous annoncer !
- Quelles sont les nouvelles, Ngoại ?
- Votre maman a terminé ses études et elle va rentrer à la maison ;
- Quand ? Allons-nous prendre des congés d’école pour aller à l’aéroport chercher maman ?
- Bien sûr que vous n’irez pas à l’’école ce jour-là, mais il y a encore une plus grande nouvelle.
- Est-ce que ce sont des cadeaux pour nous ?
- Maman deviendra « catholique » comme vous tous !
Pour Bà Ngoại, très pieuse, c’était une grandes nouvelle mais pour nous c’était insignifiant. Et puis le jour des retrouvailles arriva. Ce jour-là, Ông Tư, ingénieur des Ponts et des Chaussées, en voiture américaine longue et luxueuse, et Ông Sáu ( grand-oncle 6 ème enfant de l’arrière-grand-mère) lui aussi au volant d’une très belle voiture dont Tam avait oublié la marque, elle savait qu’elle était grise et plus petite que l’autre, allèrent chercher la maman à l’aéroport car toute la famille était fière de cette femme qui avait fait des études à l’étranger , une femme très intelligente, avec une bourse pour faire un stage aux Etats-Unis, avec un diplôme américain, prête aussi à retourner à la religion. Ông Sáu, un petit frère de Ngoai serait le parrain de maman.
Les souvenirs du retour à la religion ressurgirent d’une période lointaine. Les prières familières réveillaient la conscience de Tâm et l’aidaient à s’examiner elle-même. Elle se trouvait vraiment égoïste, elle ne pensait qu’à elle . C’était comme si les prières révélaient ses pensées secrètes.
Après cette messe, sur le chemin de retour, il y avait encore une pluie sporadique, et une fraîcheur légère. Un mélange d’odeur de terre et de pluie la ramenait aux souvenirs lointains de son pays natal, mêlés à l’image de sa grand-mère, le chapelet à la main.
Chaque fois que Tâm voulait retrouver l’image de Ngoai, elle rentrait dans une église car dans ce lieu, elle retrouvait Ngoại à travers les prières, et la senteur de l’encens que le prêtre offrait à l’autel de Dieu.
Ecrit par Diễm Đào
Co-Traductrices :
Fanny Celsiana et Diễm Đào
Depuis déjà bien longtemps, Tâm n’allait plus à la messe. Elle ne se savait pas pourquoi elle n’y allait plus le dimanche, ou peut-être ne voulait-elle plus s’en souvenir. Avait-elle perdu la foi en Dieu ou avait-elle perdu la foi en elle-même ?
Dans le magazine Ngày Mới, Tâm avait lu une annonce religieuse : l’association des Eglises catholiques vietnamiennes de France organisait une messe à la chapelle Sainte Rita à l’occasion du sacrement annuel, le « Thánh lễ Minh niên » dédié aux prières pour la Paix mondiale et pour la Patrie.
Était-ce le résumé de la biographie de la brave Sainte Rita ou les deux mots « La Patrie » qui encouragèrent Tâm à y aller ?
Mais, ce jour-là, après le déjeuner, comme il pleuvait et que la route était glissante, Tâm se sentit paresseuse. Maintes fois, la paresse avait chez elle gagné, en particulier quand elle voulait faire des choses qu’elle n’était pas obligée de faire. Mais cette fois-ci, sans trop comprendre pourquoi, Tâm vainquit sa paresse, et sortit sous la pluie. Guidée par l’itinéraire indiqué dans l’annonce, Tâm arriva à la chapelle, face à la station Fontenay aux Roses. Peut-être le mauvais temps expliquait-il qu’il y avait peu de fidèles. C’était la première fois que Tâm assistait à une messe en vietnamien. Elle se sentait déboussolée et perdue. Anh L.T, membre de l’organisation, lui passa le texte de la prière No 5 et lui murmura d’aller à l’autel la réciter. Tâm se voyait confier la lourde charge de porter à l’autel « le Corps du Christ ». Elle se sentait un peu gênée et pleine de complexes car depuis fort longtemps elle n’allait pas à la messe, mais elle ne pouvait ni refuser, ni s’expliquer. Tâmétait comme une brebis égarée !
« Dans la vie quotidienne, nous sommes indifférents à nos compatriotes, volontairement ou pas ; nous sommes égoïstes en ce qui concerne les biens, l’argent, nous manquons de compassion envers autrui et même dans nos prières. Nous ne pensons qu’à nous-mêmes. Prions Dieu de nous aider à nous aimer les uns les autres et ainsi servir Dieu ». Tâm ne savait pas si c’était une coïncidence mais ces prières reflétaient son état d’âme.
Elle observait le prêtre célébrer l’office, réciter les prières à Dieu dans sa langue maternelle ; ces prières que depuis longtemps, elle n’avait pas entendues lui rappelaient son enfance. Tâm, ses frères et sœur avaient grandi dans une petite province de la région Hâụ Giang, entourés de l’amour d’une grande famille maternelle, bà Cố (l’arrière-grand-mère), Bà Ngoại(la grand-mère) deux grand- tantes célibataires, des fidèles ferventes. Chaque soir, après le dîner et avant le coucher, tout le monde devait faire des prières devant l’autel surmonté d’une grande statue de la Sainte Vierge. Même si Tâm et ses frères et sœur n’étaient pas catholiques ils devaient rester devant l’autel, les bras croisés, pour prier.
-Sơn, Lâm, Tâm, Hậu, vous tous, priez avant de vous coucher !
Les deux grands frères de Tâm essayaient toujoursd’échapper à l’heure des prières mais Bà Bảys’efforçait de les attraper pour les obliger à écouterles prières et, quand les femmes étaient absorbées dans leur prière, les deux frères s’éloignaient de nouveau. Souvent les fidèles ferment les yeux pendant les séances de prières, se concentrent-ils pour consacrer leurs pensées à Dieu ? Tâm et Hậuimitaient leurs frères et prenaient la fuite parce que le moment des prières durait trop longtemps ! Tâm était la favorite de sa grand-mère, c’est pourquoi, chaque dimanche matin, elle se levait très tôt, pour l’accompagner à la première messe.
-Tâm, lève-toi, on va à l’église !
Elle avait du mal à ouvrir les paupières comme si le sommeil pesait encore lourdement sur ses yeux, la chaleur de la couverture la retenait au lit. Elle ne comprenait pas pourquoi elle seule devait se lever tôt, mais en revanche, elle était la plus gâtée. L’Amour avait un lien avec les obligations, lien que parfois on ignore malgré son évidence. Chaque matin, le pousse- pousse habituel attendait Bà Ngoai devant la maison pour l’emmener à l’église, près de la berge. Dans la brume de l’aube, la fraîcheur de la rivière réveillait Tâm. Tâm aimait Bà Ngoại, alors aller à la messe très tôt devint une tradition. Après la messe, elle pouvait aller au marché et manger tout ce qu’elle voulait. Ngoại lui disait souvent que si elle faisait l’effort d’aller à la messe, Dieu et la Sainte Vierge la protègeraient.
Les prières que Bà Ngoại récitaient à chaque fois que Tam était malade, ainsi que son amour étaient gravés dans sa mémoire donc bien qu’elle ne soit pas catholique, Tâm par atavisme, allait à l’église et faisait des prières quand elle avait des soucis. Les prières et la foi nous donnent-ils la force de surmonter des obstacles ?
Quand les enfants furent grands, toute la famille partit vivre à Saïgon, on ne voyait plus les deux grand-tantes prier, il restait Bà Ngoại, son chapelet à la main, et Tâm continuait à se lever tôt pour aller à l’église de Tân Định. Le cyclo remplaçait le pousse-pousse. Gardant les mêmes habitudes, après la messe, Tâm et Bà Ngoại allaient au marché de Tân Định, l’adolescente avait le plaisir de choisir tout ce qu’elle avait envie de manger, comme du bánh Gan au caramel, bien sucré, du bánh da lợn moelleux à la couleur verte naturelle du lá dứa.
Quand Tâm entra au lycée, sa mère bénéficia, ainsi que ses deux collègues professeurs d’anglais comme elle, d’une bourse pour un stage d’un an aux Etats-Unis. Ngoại s’occupa de ses petits-enfants durant l’absence de leur mère. Mais pendant cette période, Bà Ngoại fut gravement malade, et hospitalisée à l’hôpital « Grall ». Sa mère voulut alors abandonner ses études à mi-parcours pour retourner au pays. Mais ses deux collègues catholiques, lui conseillèrent de continuer sa formation pour éviter d’avoir à rembourser la bourse, et elles lui recommandèrent d’aller prier à l’église pour que grand-mère guérisse. Maman avait fait la promesse qu’elle retournerait à la religion si tout se passait bien. Un miracle eut-il lieu ? Ses prières furent exaucées, la grand-mère guérit rapidement, la maman continua ses études
Tâm se souvenait qu’un jour sa Grand-mère reçut une lettre de maman, elle était toute contente et les fit venir près d’elle :
- J’ai deux bonnes nouvelles à vous annoncer !
- Quelles sont les nouvelles, Ngoại ?
- Votre maman a terminé ses études et elle va rentrer à la maison ;
- Quand ? Allons-nous prendre des congés d’école pour aller à l’aéroport chercher maman ?
- Bien sûr que vous n’irez pas à l’’école ce jour-là, mais il y a encore une plus grande nouvelle.
- Est-ce que ce sont des cadeaux pour nous ?
- Maman deviendra « catholique » comme vous tous !
Pour Bà Ngoại, très pieuse, c’était une grandes nouvelle mais pour nous c’était insignifiant. Et puis le jour des retrouvailles arriva. Ce jour-là, Ông Tư, ingénieur des Ponts et des Chaussées, en voiture américaine longue et luxueuse, et Ông Sáu ( grand-oncle 6 ème enfant de l’arrière-grand-mère) lui aussi au volant d’une très belle voiture dont Tam avait oublié la marque, elle savait qu’elle était grise et plus petite que l’autre, allèrent chercher la maman à l’aéroport car toute la famille était fière de cette femme qui avait fait des études à l’étranger , une femme très intelligente, avec une bourse pour faire un stage aux Etats-Unis, avec un diplôme américain, prête aussi à retourner à la religion. Ông Sáu, un petit frère de Ngoai serait le parrain de maman.
Les souvenirs du retour à la religion ressurgirent d’une période lointaine. Les prières familières réveillaient la conscience de Tâm et l’aidaient à s’examiner elle-même. Elle se trouvait vraiment égoïste, elle ne pensait qu’à elle . C’était comme si les prières révélaient ses pensées secrètes.
Après cette messe, sur le chemin de retour, il y avait encore une pluie sporadique, et une fraîcheur légère. Un mélange d’odeur de terre et de pluie la ramenait aux souvenirs lointains de son pays natal, mêlés à l’image de sa grand-mère, le chapelet à la main.
Chaque fois que Tâm voulait retrouver l’image de Ngoai, elle rentrait dans une église car dans ce lieu, elle retrouvait Ngoại à travers les prières, et la senteur de l’encens que le prêtre offrait à l’autel de Dieu.
Ecrit par Diễm Đào
Co-Traductrices :
Fanny Celsiana et Diễm Đào