Un rêve de retrouvailles.
J’entends un brouhaha dans le hall immense d’un aéroport, les annonces des hôtesses de l’air résonnent et se mêlent aux voix des gens venus dire au revoir à leurs proches.
Je me sens minuscule et seule dans ce grand aéroport, au milieu de la foule ; j’essaie de me mettre à l’écart et je vois des scènes étranges, la joie de certains contrastes avec la tristesse de ceux qui voient les leurs partir.
Je me demande ce que je ressens réellement devant ce spectacle parce que mon cœur bat de façon étrange.
Je lis et relis le télégramme que j’ai en main, j’ai peur de me tromper sur le sens des mots, « Papa va arriver à l’aéroport à 20 heures. » Ce télégramme est-il bien pour moi ? Peut-être la poste s’est-elle trompée de destinataire. Je me ressaisis, je ne me trompe pas, c’est bien mon nom qui est mentionné sur l’enveloppe.
Un coup d’œil à ma montre, il est 20 heures. Je ne vois pas papa. Tout à coup j’ai envie de pleurer car l’attente me perturbe, ayant accepté une vie sans pèreje n’ai jamais espéré le retour de mon père. Depuismes premiers mois jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas eu l’occasion de dire « papa », un mot si simple, si court mais porteur d’une telle charge affective. L’amour paternel est pour moi un lien invisible. Le jour où mon père nous quitte, maman, mes frères, ma sœur et moi, le bébé que je suis ne cesse de pleurer malgré les gestes tendres de sa mère. Mes pleurs sont un déchirement de plus pour maman, trop jeune pour être séparée de son époux dont l’odeur imprégnée la chambre à coucher. Ma mère m’entoure d’une vieille chemise de papa, ces senteurs me calment et doucement j’entre dans le sommeil.
Je grandis dans l’amour de ma mère, de ma grand-mère ; enfant à chaque fois que je suis malade, grondée, j’appelle papa au secours malgré la grande distance qui nous sépare ! L’amour que je voue à mon père grandit sans cesse en moi même si pendant vingt ans je ne le vois pas en chair et en os , moi je sais que comme les autres enfants j’ai un père , un père qui dans un certain contexte a été contraint de quitter le pays. Je le vois en photo, j’entends sa voix dans des enregistrements qu’il nous fait parvenir. Ma vie s’écoule comme celle des autres enfants, je m’habitue peu à peu à cette vie sans père présent. Ma mère accaparée par son travail nous consacre peu de temps, il lui faut subvenir à nos besoins.
Peut-être le manque d’affection et une trop grande solitude me poussent-ils à me marier trop tôt, trop jeune.
Je me sens très seule comme si j'étais perdue au large de l'océan. Je crains de ne pouvoir regagner la rive à la nage, j'ai des coups de fatigue et je ne sais sur qui m'appuyer. Parfois un éclair me traverse l'esprit : mon père est ma bouée de sauvetage, il peut me ramener sur la terre ferme.
En grandissant je prends conscience que mon père a très bien réussi à l'étranger alors que moi je suis une enfant malchanceuse dans tous les domaines, je suis l'ombre de moi-même, bourrée de complexes. Mon père est un homme reconnu, qui va de succès en succès. Il s'est dévoué à transmettre ses connaissances culturelles de par le monde. Et aujourd’hui je vais revoir un père en chair et en os que je vais appeler papa après vingt ans de séparation.
« -Attention : le vol 614 en provenance de Singapour va atterrir » dit une voix au haut-parleur.
Je reviens à la réalité. Plein de questions me taraudent : que vais-je dire à mon père ? De quoi va-t-il me parler ? Quelle sera son attitude à mon égard ?
Je l'attends, je le vois mais personnalités, artistes,journalistes, photographes se pressent aussi ; Je suis intimidée, je me laisse porter par la foule. Tousveulent voir cet homme célèbre à l'occasion de son premier retour dans son pays d'origine alors que son arrivée devait se faire dans la plus grande discrétion.Il y a eu une fuite. J'attends en bas de l'escalier. La porte de l'avion s'ouvre, je découvre un homme grand. Je crie : « Papa, c'est moi. » La foule me bouscule. L’émotion m'empêche d'appeler mon père, mes appels résonnent dans le vide. Mon père sourit, jette un coup d'œil circulaire pour chercher sa famille. De toutes mes forces, de tout mon amour, je fends la foule pour m'approcher de lui mais je n'y parviens pas. La colère se mêle à la fatigue. Je me mets à pleurer. Mon père est à portée de main mais je n’arrive pas à le rejoindre.
- Je suis là, pourquoi ne me vois-tu pas ? Tu es làpour le public mais tu n'es pas le père dont j'ai rêvé.
Tout devient flou, l'image de mon père traverse mes pensées. Je suis à moitié inconsciente.
- Ma fille, Papa est là, ma pauvre petite.
J'entends vaguement ses paroles, j'ouvre les yeux.
- Papa !
Un seul mot sort de ma bouche, je pleure à chaudes larmes, incapable de parler. Il me serre dans ses bras, me caresse les cheveux tendrement, je sanglote, je pleure de joie. Il refuse les contacts avec la foule pour rester auprès de moi. La foule repart. Papa m’accompagne, je marche à ses côtés, nous échangeons des regards.
Mon père dit : « Puis-je aller chez toi pour regarder comment tu vis ? »
Je ne réponds pas.
- Pourquoi ? dit mon père
- Je crains ta venue.
- Ne t’inquiète pas, nous n’avons pas pu vivre ensemble pour certaines raisons, mais maintenant tu auras toujours ton père auprès de toi.
- Je me sens complexée parce que je n’ai pas réussi ma vie, j’ai abandonné mes études. Je me sens en situation d’infériorité par rapport à la réussite de ma famille. Pour cacher mes faiblesses, je fuis. Je suis très pauvre, ma maison n’est pas assez confortable pour que tu y viennes.
La voiture s’arrête à l’entrée d’une ruelle boueuse, non praticable. Je dois rejoindre chez moi à pied. Je suis très gênée, il a plu, il faut deviner son chemin dans cette voie faiblement éclairée. J’hésite, mal à l’aise, à demander à mon père s’il continue à marcher dans cette ruelle.
- Ce n’est pas grave, je cherche les endroits secs pour y poser les pieds.
Sa délicatesse me donne du courage, je lui prends la main, il marche lentement, ne parvient pas toujours à éviter la boue. Il me serre la main en me disant : « Ma pauvre enfant. »
Nous marchons lentement, au clair de lune ; tous les volets sont clos. Nous arrivons enfin. J’ouvre la porte, nous pénétrons dans la maison, très simple, peu meublée.
- Es-tu malheureuse ?
Cette question si concise me touche par le grand amour qu’elle renferme. Je me relâche, je me libère de toutes mes années d’attente douloureuse.
- Pleure plus ! dit mon père, je suis là, tu ne seras plus malheureuse. Jeunes, nous ne faisons pas toujours les bons choix. Un proverbe dit : « l’Homme veut tout, mais cela dépend du vouloir de Dieu. Avec une volonté forte, on peut réussir. »
Pendant deux courtes semaines mon père est très pris par des rencontres avec des artistes, des conférences, il lui reste peu de temps à consacrer à sa famille.Moi-même, mes enfants et mon travail m’occupent beaucoup, je dégage néanmoins du temps pour l’accompagner, le comprendre, et comprendre son travail à l’étranger. De jour en jour, je le découvre, je me sens très petite à côté de lui, si renommé. Je n’ai hérité ni de son talent, ni de son intelligence. Je me sens incapable de faire mieux, d’être une autre.
Néanmoins, j’ai un petit espoir, son amour peut me donner la force d’aller plus loin, comme une plante qui se bat pour se développer sur une terre infertile. Ily a des moments de joie fugace qui se terminent avec mon retour à la vie normale.
- Papa, le temps passe trop vite, tu pars demain, quand te reverrai-je ?
- Nous nous verrons très vite, tout n’est pas simple.Sois certaine d’une chose : que tu réussisses tavie ou pas, tu es toujours mon enfant.
Le jour de séparation arrive.
- Les passagers du vol numéro…clame une voix.
Mon père me serre dans ses bras, m’embrasse pour la dernière fois. Je m’en vais, je lui fais signe de la tête et je le regarde s’éloigner.
Je me dis qu’un aéroport est un lieu témoin de beaucoup de scènes de séparations et de retrouvailles.
Papa se retourne une dernière fois pour voir toute la famille.
Dehors, je suis l’avion dans le ciel et je le vois disparaître peu à peu dans les nuages.
- Papa, papa ...
Je me réveille en pleurant, des bourdonnements dans les oreilles. Je reviens à la réalité. C’était un rêve.
Co-Traductrices : Fanny Celsiana et Diệu Tiên
J’entends un brouhaha dans le hall immense d’un aéroport, les annonces des hôtesses de l’air résonnent et se mêlent aux voix des gens venus dire au revoir à leurs proches.
Je me sens minuscule et seule dans ce grand aéroport, au milieu de la foule ; j’essaie de me mettre à l’écart et je vois des scènes étranges, la joie de certains contrastes avec la tristesse de ceux qui voient les leurs partir.
Je me demande ce que je ressens réellement devant ce spectacle parce que mon cœur bat de façon étrange.
Je lis et relis le télégramme que j’ai en main, j’ai peur de me tromper sur le sens des mots, « Papa va arriver à l’aéroport à 20 heures. » Ce télégramme est-il bien pour moi ? Peut-être la poste s’est-elle trompée de destinataire. Je me ressaisis, je ne me trompe pas, c’est bien mon nom qui est mentionné sur l’enveloppe.
Un coup d’œil à ma montre, il est 20 heures. Je ne vois pas papa. Tout à coup j’ai envie de pleurer car l’attente me perturbe, ayant accepté une vie sans pèreje n’ai jamais espéré le retour de mon père. Depuismes premiers mois jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas eu l’occasion de dire « papa », un mot si simple, si court mais porteur d’une telle charge affective. L’amour paternel est pour moi un lien invisible. Le jour où mon père nous quitte, maman, mes frères, ma sœur et moi, le bébé que je suis ne cesse de pleurer malgré les gestes tendres de sa mère. Mes pleurs sont un déchirement de plus pour maman, trop jeune pour être séparée de son époux dont l’odeur imprégnée la chambre à coucher. Ma mère m’entoure d’une vieille chemise de papa, ces senteurs me calment et doucement j’entre dans le sommeil.
Je grandis dans l’amour de ma mère, de ma grand-mère ; enfant à chaque fois que je suis malade, grondée, j’appelle papa au secours malgré la grande distance qui nous sépare ! L’amour que je voue à mon père grandit sans cesse en moi même si pendant vingt ans je ne le vois pas en chair et en os , moi je sais que comme les autres enfants j’ai un père , un père qui dans un certain contexte a été contraint de quitter le pays. Je le vois en photo, j’entends sa voix dans des enregistrements qu’il nous fait parvenir. Ma vie s’écoule comme celle des autres enfants, je m’habitue peu à peu à cette vie sans père présent. Ma mère accaparée par son travail nous consacre peu de temps, il lui faut subvenir à nos besoins.
Peut-être le manque d’affection et une trop grande solitude me poussent-ils à me marier trop tôt, trop jeune.
Je me sens très seule comme si j'étais perdue au large de l'océan. Je crains de ne pouvoir regagner la rive à la nage, j'ai des coups de fatigue et je ne sais sur qui m'appuyer. Parfois un éclair me traverse l'esprit : mon père est ma bouée de sauvetage, il peut me ramener sur la terre ferme.
En grandissant je prends conscience que mon père a très bien réussi à l'étranger alors que moi je suis une enfant malchanceuse dans tous les domaines, je suis l'ombre de moi-même, bourrée de complexes. Mon père est un homme reconnu, qui va de succès en succès. Il s'est dévoué à transmettre ses connaissances culturelles de par le monde. Et aujourd’hui je vais revoir un père en chair et en os que je vais appeler papa après vingt ans de séparation.
« -Attention : le vol 614 en provenance de Singapour va atterrir » dit une voix au haut-parleur.
Je reviens à la réalité. Plein de questions me taraudent : que vais-je dire à mon père ? De quoi va-t-il me parler ? Quelle sera son attitude à mon égard ?
Je l'attends, je le vois mais personnalités, artistes,journalistes, photographes se pressent aussi ; Je suis intimidée, je me laisse porter par la foule. Tousveulent voir cet homme célèbre à l'occasion de son premier retour dans son pays d'origine alors que son arrivée devait se faire dans la plus grande discrétion.Il y a eu une fuite. J'attends en bas de l'escalier. La porte de l'avion s'ouvre, je découvre un homme grand. Je crie : « Papa, c'est moi. » La foule me bouscule. L’émotion m'empêche d'appeler mon père, mes appels résonnent dans le vide. Mon père sourit, jette un coup d'œil circulaire pour chercher sa famille. De toutes mes forces, de tout mon amour, je fends la foule pour m'approcher de lui mais je n'y parviens pas. La colère se mêle à la fatigue. Je me mets à pleurer. Mon père est à portée de main mais je n’arrive pas à le rejoindre.
- Je suis là, pourquoi ne me vois-tu pas ? Tu es làpour le public mais tu n'es pas le père dont j'ai rêvé.
Tout devient flou, l'image de mon père traverse mes pensées. Je suis à moitié inconsciente.
- Ma fille, Papa est là, ma pauvre petite.
J'entends vaguement ses paroles, j'ouvre les yeux.
- Papa !
Un seul mot sort de ma bouche, je pleure à chaudes larmes, incapable de parler. Il me serre dans ses bras, me caresse les cheveux tendrement, je sanglote, je pleure de joie. Il refuse les contacts avec la foule pour rester auprès de moi. La foule repart. Papa m’accompagne, je marche à ses côtés, nous échangeons des regards.
Mon père dit : « Puis-je aller chez toi pour regarder comment tu vis ? »
Je ne réponds pas.
- Pourquoi ? dit mon père
- Je crains ta venue.
- Ne t’inquiète pas, nous n’avons pas pu vivre ensemble pour certaines raisons, mais maintenant tu auras toujours ton père auprès de toi.
- Je me sens complexée parce que je n’ai pas réussi ma vie, j’ai abandonné mes études. Je me sens en situation d’infériorité par rapport à la réussite de ma famille. Pour cacher mes faiblesses, je fuis. Je suis très pauvre, ma maison n’est pas assez confortable pour que tu y viennes.
La voiture s’arrête à l’entrée d’une ruelle boueuse, non praticable. Je dois rejoindre chez moi à pied. Je suis très gênée, il a plu, il faut deviner son chemin dans cette voie faiblement éclairée. J’hésite, mal à l’aise, à demander à mon père s’il continue à marcher dans cette ruelle.
- Ce n’est pas grave, je cherche les endroits secs pour y poser les pieds.
Sa délicatesse me donne du courage, je lui prends la main, il marche lentement, ne parvient pas toujours à éviter la boue. Il me serre la main en me disant : « Ma pauvre enfant. »
Nous marchons lentement, au clair de lune ; tous les volets sont clos. Nous arrivons enfin. J’ouvre la porte, nous pénétrons dans la maison, très simple, peu meublée.
- Es-tu malheureuse ?
Cette question si concise me touche par le grand amour qu’elle renferme. Je me relâche, je me libère de toutes mes années d’attente douloureuse.
- Pleure plus ! dit mon père, je suis là, tu ne seras plus malheureuse. Jeunes, nous ne faisons pas toujours les bons choix. Un proverbe dit : « l’Homme veut tout, mais cela dépend du vouloir de Dieu. Avec une volonté forte, on peut réussir. »
Pendant deux courtes semaines mon père est très pris par des rencontres avec des artistes, des conférences, il lui reste peu de temps à consacrer à sa famille.Moi-même, mes enfants et mon travail m’occupent beaucoup, je dégage néanmoins du temps pour l’accompagner, le comprendre, et comprendre son travail à l’étranger. De jour en jour, je le découvre, je me sens très petite à côté de lui, si renommé. Je n’ai hérité ni de son talent, ni de son intelligence. Je me sens incapable de faire mieux, d’être une autre.
Néanmoins, j’ai un petit espoir, son amour peut me donner la force d’aller plus loin, comme une plante qui se bat pour se développer sur une terre infertile. Ily a des moments de joie fugace qui se terminent avec mon retour à la vie normale.
- Papa, le temps passe trop vite, tu pars demain, quand te reverrai-je ?
- Nous nous verrons très vite, tout n’est pas simple.Sois certaine d’une chose : que tu réussisses tavie ou pas, tu es toujours mon enfant.
Le jour de séparation arrive.
- Les passagers du vol numéro…clame une voix.
Mon père me serre dans ses bras, m’embrasse pour la dernière fois. Je m’en vais, je lui fais signe de la tête et je le regarde s’éloigner.
Je me dis qu’un aéroport est un lieu témoin de beaucoup de scènes de séparations et de retrouvailles.
Papa se retourne une dernière fois pour voir toute la famille.
Dehors, je suis l’avion dans le ciel et je le vois disparaître peu à peu dans les nuages.
- Papa, papa ...
Je me réveille en pleurant, des bourdonnements dans les oreilles. Je reviens à la réalité. C’était un rêve.
Co-Traductrices : Fanny Celsiana et Diệu Tiên